Quête de poésie, envers et contre tout

Je ne compte plus les jours depuis longtemps... Chaque matin je me rends à la fenêtre de ma chambre pour apercevoir la Marne et les premiers rayons du soleil, qui brillent sans discontinuer depuis le début du confinement. Ce n'est pas la solitude contrainte mais apaisante qui me pèse, mais l'éloignement de tout et de tous. Je télétravaille en semaine et c'est une chance extraordinaire que de pouvoir s'occuper, sans inquiétude dans le présent sur l'aspect financier... Car je vis au présent, complètement au présent, pour éloigner toute source d'anxiété. Le festival de Fontfroide a été annulé, mais comme j'avais réservé mes vacances, j'espère pouvoir rejoindre mon sud aux dates fixées. Mais pour l'instant, je conserve dans un coin l'idée que si rien ne se s'arrange en France, il me faudra sans doute repousser. Mon seul projet, est que si tout va bien, mi-mai, je tenterais de rejoindre à 25 km d'ici, la campagne et ma famille...

Vivre au présent, sans projet particulier, apporte étrangement une forme de bien être. La grande anxieuse que je suis y trouve une forme d'harmonie. Je me réjouis de chacun de ces instants où tout va bien ou pour le mieux, et m'installe en semaine dans une "routine", où le soleil du matin dans l'appartement est ma plus grande joie. J'écoute en travaillant, les minis concerts de la veille au soir du Duo Tartini, puis j'écoute, lorsqu'ils se permettent de temps en temps une petite excursion dans ma rue, le chant de quelques oiseaux qui redeviennent plus rares depuis que les automobilistes respectent de moins en moins le confinement, alors qu'ils étaient revenus. Je me fie aussi au son des cloches... J'aime les entendre reprendre leur volée du matin, l'angélus à midi... Souvenir d'une campagne lointaine et d'une enfance de plus en plus onirique. Furieuse sur les responsables politiques du monde, je préfère abandonner ma colère, dans la lecture les weeks ends. Tolkien continue à m'accompagner.

En ce moment, je suis les pas de Tom Bombadil et retourne aussi dans les Contes perdus par intermittence. Je sais que la réalité est là, en bas dans la rue. Je me sens paralysée par cet extérieur que je ne rejoins que fort peu, pour réceptionner des colis en bas de mon immeuble ou à mon épicerie de quartier. Je ne suis réellement que sortie deux fois, la troisième sera pour cette semaine. Je sais qu'il me faudra parvenir à ressortir plus loin et à affronter une agoraphobie qui ne date pas d'hier. Fille de la campagne, je ne trouve plus ma place dans ces villes d'Ile-de-France depuis bien longtemps et le comportement suicidaire de cette foule indisciplinée qui n'a pas su, pas voulu changer de vie, de modes de surconsommation et qui en ne respectant pas le confinement démontre qu'elle est incapable de cette simplicité qui sauverait la planète et permettrait à tous de mieux vivre. Pourquoi l'humanité se laisse-t-elle ainsi guider par sa pulsion de mort ? Je ne sais. J'aspire depuis si longtemps à quitter la ville, à retrouver l'horizon de ma petite enfance, lorsqu'au au loin, dans un sfumato provoqués par des nuées d'insectes au-dessus d'un étang lointain, je l'observais et m'y abandonnais pendant des heures. En fait, j'aimais à imaginer des mondes ainsi, dont aucun n'existait dans la réalité. Les voyages au long cours, je les ai toujours préférés dans les livres, plutôt que dans la vraie vie. Et même si j'en ai fait quelques uns, qui m'ont laissé de beaux souvenirs, à chaque voyage lointain, j'ai toujours su, que cette forme de voyage n'était pas pour moi. Pour les réaliser, je devais rompre avec cette supposée solitude de la lecture ou du rêve. Le vrai monde réserve de belles découvertes, de belles surprises, de belles rencontres, mais jamais je n'ai rencontré quelqu'un qui me dise que l'harmonie régnait en son monde, que là où je me trouvais, on serait parvenus enfin, à considérer que tous enfin en ces terres avaient trouvé le sens profond de leur raison d'être là, en cet instant précis.

La pulsion de mort triomphante, ne vient -elle pas simplement, de ce refus de voir que le sens naît de l'harmonie et que l'harmonie naît de la simplicité, de cet équilibre entre l'être, ce que nous sommes vraiment et notre capacité à savourer l'instant présent pour ce qu'il est. Nous remplissons le vide avec du vide trop souvent... Alors que le vide n'est justement pas vide. La fameuse matière noire qui remplit l'univers est là pour le prouver. La complexité des formes de vie sur Terre aussi. Il nous suffit pour le comprendre et trouver du sens d'observer une fleur qui se déploie et parfume son environnement, le ciel d'un bleu profond ou qui s'obscurcit de nuages aux formes extraordinaires, un enfant qui joue, un chien qui court, un papillon qui vole, une hirondelle qui vire-volte... un ami qui vous sourit, qui vous appelle pour vous donner des nouvelles et en prendre... Non le vide n'existe pas, si on ne cherche pas à remplir un "vide supposé" avec du vide. Si on ne parcourt pas la planète, participant ainsi à sa destruction, en pensant trouver mieux ailleurs, ou pour faire une photo aussi vite oubliée de soi devant ou avec, pour la mettre sur des réseaux sociaux, si l'on ne s'empiffre pas avec des mets venus du bout du monde nécessitant de détruire les espaces naturels pour les produire, si l'on n'entasse pas des objets technologiques bourrés de composants électroniques qui ne pourront pas être recyclés le jour où vous en aurez assez de tel ou tel objet qui ne suffira plus à vous rassasier de cette faim sans faim, du à votre incapacité à vous ouvrir à l'empathie, à la sensation du bonheur, du petit bonheur, à ce plaisir de partager quelques uns de ces instants avec vos proches.

Voilà, ce confinement débuté quelques jours avant tout le monde grâce au télétravail, je m'en réjouis, car il est extrêmement bien organisé et l'on reste en contact. Le plus difficile pour moi, sera de retourner dans cette réalité de l'absence, de ces gens qui court après quelque chose qui n'existe pas, niant l'essentiel, cette autre réalité où chante les voix du vent et de cette peur que provoque en moi ces "monstres" aussi petit soit-il que génère notre "civilisation" sans âme et sans rêve :
He lived up under Hill, were the Withywindle
ran from a grassy well down into the dingle.
Old Tom in summertime walked about the meadows
gathering the buttercups, running after shadows,
tikling the bumblebees that buzzed among the flowers,
sitting by the waterside for hours upon hours.
Les aventures de Tom Bombadil
Par Monique Parmentier
Sagesse du lever du jour

Prière amérindienne... pour que son chant s’élève avec l’Aurore :
Sagesse du Lever du jour…
Que le vent apporte mes paroles sur les ailes de l’Aigle…
Pour que les cœurs comprennent de ne jamais prendre la beauté de la création,
Prendre ce qu’elle ne peut donner…Est détruire la vision et devenir aveugle…
Ne plus entendre son chant à travers les oiseaux, les arbres, l’eau, le vent,
Est d’étouffer la mélodie des esprits de la nature qui vibre en son rythme,
Que de polluer les parfums qui embaument ses habits de saisons,
Est de sentir l’odeur de souffrance et de mort des veines de notre Mère…
Grand-Esprit que notre mémoire nous soit rendu,
Pour se rappeler que nous sommes Unité avec le Tout,
Que l’Énergie des mains du soleil guérisse ces plaies ouvertes,
Que l’Amour des Cœurs Unis s’assemblent en l’humanité,
Grand Père Ciel étanche la soif de notre Mère,
Purifie par les eaux ces blessures déjà profondes,
Que l’arc-en-ciel annonce le Renouveau…
Chaque instants, je sens... ses milliers battements de bonheur

O Terre, ma nourricière,
prends moi en ton sein si sécuritaire,
laisse mes mains et mon coeur refermer tes profondes blessures,
ne laisse pas ce poison, cette douce amertume devenir cyanure,
Chaque instant je sens ton cœur,
ses milliers de battements de bonheurs,
Tant de guerres sur ton sol sacré,
nullement ta sagesse n’en a été entachée,
je remercie chaque jour que tu m'ais ouvert les yeux sur tes mondes cachés,
je suis maintenant ma rivière intérieure,
loin de mes doutes et mes peurs,
pures illusions de nos esprits emprisonnés,
arrêtez vous un instant et écoutez….
la Nature vous crient que vous vous égarez,
elle vous dis, viens mon enfant, ton chemin je vais te montrer!
Prière Lakota
Chaque journée nouvelle est un trésor à cultiver

Finish each day and be done with it. You have done what you could. Some blunders and absurdities no doubt crept in; forget them as soon as you can. Tomorrow is a new day. You shall begin it serenely and with too high a spirit to be encumbered with your old nonsense.
~ Ralph Waldo Emerson ~
3 semaines déjà et une seule sortie pour récupérer mes courses. Grâce au télétravail, je conserve un emploi, une véritable activité qui est mon repère temporel et m’aide au quotidien à faire face à l’isolement, loin de ma famille et de mes amis et face à l’anxiété que provoque cet ennemi invisible.
Contrairement à certains, j’ai compris très vite le danger, mais je n’avais pas le choix et j’ai tenté de me persuader que les paroles rassurantes, du type « ce n’est qu’une méchante grippe » étaient plus « authentiques », plus logiques que cette terreur diffuse qui s´est emparée de moi, aux premières nouvelles arrivant de Chine.
Désormais, il faut faire avec. Tenir et espérer. Je veux croire qu’à l’issue de la crise, les dirigeants de ce monde, mais aussi chacun d’entre nous, seront capables de remettre en cause notre mode de vie d’enfants gâtés. Que cette mondialisation qui a sombré dans l’absurde, jusqu’au suicide collectif, se réfrénera. Je veux espérer que nous saurons renoncer à la surconsommation, au tourisme de masse. Que nous saurons entendre le message de la planète ... de cette Conscience qui nous dit aujourd’hui que nous ne sommes pas seuls dans l’univers puisqu’en dehors d’une humanité déjà si nombreuse, il existe une merveilleuse diversité de formes de vie sur la planète que nous nous devons de respecter. Chacun de nous à des comptes à rendre, et pas seulement les politiques. Chacun de nous porte une part de responsabilité. En attendant, prenons ce temps qui est donné et respectons ce confinement qui peut sauver des vies et en particulier, celles de celles et ceux qui n’ont pas le choix et qui sauvent des vies ou nous permettent de manger et subviennent à nos besoins vitaux.
par Monique Parmentier
« Protége toi, nous arrivons »

Les voix du vent à Fontfroide ne mentent jamais. Je dédie cette phrase à celui à laquelle, je l’avais confié l’été dernier.