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Le blog de Susanna Huygens

XIVe Festival Musique et Histoire pour un Dialogue Interculturel : "Rosa" Metamorphosis... rose du soir

22 Août 2019 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques Concerts

@ Monique Parmentier

« Si la musique est la nourriture de l’amour, jouez ». La Nuit des Rois – Shakespeare.

 Chaque année, en arrivant à Fontfroide, l’on se demande si au vu des souvenirs que nous ont laissé les années précédentes, nous parviendrons à retrouver des instants aussi ineffables que ceux que nous avons pu y connaître les années précédentes. Mais chaque année est différente et chaque année, lorsque vient le moment de repartir, le sentiment d’irréalité des moments vécus renaît dans toute sa fantasmagorie.

Les concerts du soir du XIVe Festival Musique et Histoire, pour un Dialogue Interculturel de cette année, sur le thème de la Métamorphose, me laissent sur ce sentiment mystérieux d’une parenthèse dans le temps, comme si Fontfroide était une cité perdue et les musiciens ses esprits libres. A Fontfroide, chantent à jamais les voix du vent.

Les concerts du soir, ce sont cette année essentiellement tenus à l’intérieur, dans l’abbaye ou au réfectoire, la seule exception ayant été le tout premier concert, celui d’Orpheus XXI, qui nous a été donné à la belle étoile, dans la Cour Louis XIV.

 

@ Monique Parmentier

Moslem Rahal et Mostafa Taleb qui ont inauguré les concerts de l’après-midi ont rejoint leurs compagnons d’Orpheus XXI pour ce concert, sous-titré les « Voix lointaines ». Si l’année dernière cet ensemble créé en 2016 par Jordi Savall pour permettre à des musiciens réfugiés ou immigrés en Europe de relever « le défi de leur installation » au cœur d’une société européenne en proie à la peur et au rejet, était venu en grand effectif, cette année il n’était que 8. Car désormais, sous différentes formations, l’ensemble tourne avec des programmes d’une grande diversité, avec ou sans le maestro catalan, afin de mieux faire connaître le répertoire de chacun. Ici les maîtres, Waed Bouhassoun et Moslem Rahal et les musiciens qui ont rejoint ce projet humaniste avec un talent déjà bien réel à leur arrivée – Rusan Filiztek, Neset Kutas, Georgi Dimitrov, Mojtaba Fasihi, Hovhannes Karakhanyan et Mostafa Taleb, partagent avec le public, au clair de Lune, des moments intenses de beauté et d’ouverture à l’autre. La métamorphose qu’opère la musique sur chacun permet de sublimer et unir les dissemblances, offrant à tous de se rejoindre pour bâtir un monde plus juste et plus ouvert.

Le charme du répertoire retenu, opère dès les premiers instants, lorsque s’élève la voix chaude et grave de Waed Bouhassoun, les hommes reprenant tour à tour, les paroles d’un chant traditionnel iranien, Ze Dast Mahbboub. Musiques syrienne, iranienne, kurde, sépharade qu’interprètent musiciens et chanteurs disent, à la lumière de la Voie Lactée, ce chemin de sable qu’est la vie humaine et son parcours de joies et de peines. Leur complicité, les regards échangés, l’équilibre parfait qui règne dans l’ensemble ici réuni, montrent de la plus belle façon le travail accompli.

@ Monique Parmentier

Ici le plaisir est si évident que le public est totalement subjugué, envoûté par ces mélodies d’ailleurs. Jordi Savall ne s’est joint aux musiciens d’Orpheus XXI que le temps d’un bis, applaudissant autant que le public la maturité d’un ensemble qui lui permet désormais de voler de ses propres ailes vers des horizons lointains où un public en quête de sens et de compréhension, trouvera à leur côté la paix et la joie. Ce soir, alors que la nuit avait recouvert la garrigue aux parfums d’été, j’ai partagé durant mon retour vers Narbonne, un échange bouleversant, avec deux jeunes migrants, invités par les équipes de Jordi Savall. Tous deux, jeunes réfugiés politiques, ayant fui la guerre dans leur pays respectif, contenaient difficilement leurs émotions. Pour eux, entendre ces voix et ces instruments si chers à leur cœur, chanter ces mots qui leur content leur histoire et qui leurs rendent leurs racines, aura été un instant magique et de liberté retrouvée. Ce répertoire qui parle souvent d’amour fou et mystique, destinés à faire perdre ses repères à l’auditeur, aura permis à ces jeunes hommes, ce soir de les retrouver. Rarement, j’aurais eu le sentiment à la fin d’un concert, de partager quelque chose d’aussi douloureusement beau.

 

@ Monique Parmentier

Ce n’est donc que lors de la seconde soirée, que nous avons retrouvé Jordi Savall, Hespérion XXI et La Capella Reial de Catalunya, pour la création d’un tout nouveau programme, intitulé Leonard de Vinci. Il a été conçu par le Maestro dans le cadre des commémorations des 500 ans de la disparition de ce grand maître de la Renaissance. La personnalité de ce génie, dont nombreux sont ceux qui le considèrent comme un des plus grands de l’humanité, ne pouvait que fasciner Jordi Savall et lui permettre de nous transmettre à travers cette nouvelle fresque ce message qui est le sien depuis Tous les matins du monde, un message humaniste d’ouverture et de curiosité, de quête de la beauté et de la connaissance avec pour lien la musique.

Léonard de Vinci était lui-même musicien. Tout laisse à penser qu’il était même un excellent interprète de la lira da braccio. Il existe d’ailleurs une gravure datant de 1505 réalisée par Raimondi Marcantonio, actuellement au Musée de Cleveland, dont de nombreux experts estiment qu’elle le représente en Orphée poète musicien charmant les animaux. Et ce n’est probablement pas une coïncidence, car c’est le maître florentin qui mis en scène, la toute première fable en musique, dont l’auteur était Ange Politien, La Fabula di Orpheo.

@ Musée de Cleveland

Pour illustrer musicalement le parcours de vie exceptionnel de Léonard de Vinci-et évoquer le thème sous-jacent de la métamorphose, si cher à la Renaissance-, Jordi Savall a lui choisit des œuvres de compositeurs ayant vécu entre la seconde moitié du XVe siècle et le début du XVIe. Il a parfaitement pu en rencontrer certains (l’un des portraits d’homme qu’il a réalisé serait celui de Josquin des Prez (vers 1450 - 1521)), au cours de ces périples de la cour des Médicis à Florence à celle des Sforza à Milan, de Mantoue à Venise, puis Rome, jusqu’à son arrivée en France, à la cour de François Ier où il finit sa vie. Les œuvres que nous entendons ici, appartiennent à son univers. C’est non seulement la musique du temps de Léonard de Vinci que nous a proposé le maestro Catalan, la musique dans les mondes connus à l’époque, mais plus encore celles qui accompagnent si bien, le fil linéaire de sa quête de l’homme « omnicient », du parfait humaniste. Et si certains ont pu regretter l’absence d’un récitant pour marquer et illustrer les différentes étapes chronologiques de sa vie et de son environnement, les extraits musicaux retenus nous dessinaient parfaitement cette ligne, ce chemin avec ses couleurs et ses nuances.

@ Monique Parmentier

De 1452 à 1519, la quête des correspondances musicales avec l’univers si incertain et en pleine mutation de la Renaissance, nous mène sur les chemins où l’art vocal et instrumental se cherchent des voies nouvelles. C’est une époque où l’influence de Pétrarque, insuffle à ses poètes et musiciens, mais aussi peintres et sculpteurs, une quête de la beauté héritée de l’antiquité.

Certaines pièces ont déjà pu être entendues dans d’autres grandes fresques de Jordi Savall, dont bien évidemment la pavane de Tielman Susato, la Battaglia, une œuvre d’un compositeur anversois du XVIe siècle qui illustre fréquemment les grandes scènes de bataille dans les programmes de Jordi Savall et interprétée avec toujours autant de brillance et d’énergie par les Sacqueboutiers. Nous l’entendons ici pour immortaliser l’instant où Léonard de Vinci commence à peindre la bataille d’Anghiari, la fresque mythique inachevée et à jamais perdue du maître. D’autres pièces musicales sont plus rares et toutes interviennent tout aussi parfaitement dans le cadre linéaire de l’histoire. Les œuvres d’Heinrich Isaac (vers 1450 – 1517), pour la plupart figurant dans le splendide CD enregistré en fin 2016, dont l’humanisme, est à l’image des nombreux artistes qui ont marqué cette époque, ou bien la chanson aux accents si nostalgiques (en version instrumentale) « Tous biens plaines » de Hayne van Ghizeghem (vers 1445 – vers 1497), dont le succès à la fin du XVIe siècle généra de nombreux arrangements, qui apparaît dès lors comme le miroir de la gravure du Musée de Cleveland. 

@ Monique Parmentier

Ainsi de Heinrich Isaac à Josquin des Prez, des chansons anonymes aux motets, des marches accompagnant les faits de guerre aux lamentations, la vie de Léonard de Vie reprend ici sa densité, sa magnificence, ses doutes, ses craintes, ses luttes âpres entre tous ces génies qui croisent sa route. La musique fait de lui, ce poète mythique qui fait remonter les fleuves à leur source, celui qui par son art peut faire fléchir les lois de la nature. Les musiciens et chanteurs, tel Léonard de Vinci, semblent reproduire la respiration profonde et intime de la nature. Jordi Savall et les musiciens et chanteurs qui l’accompagnent métamorphosent le réel en une vibration, une palpitation qui donne vie au sfumato qui a recouvert cette soirée d’une sensation envoutante d’intemporalité.

@ Musée du Louvre

En véritables démiurges, ils redonnent un cœur qui bat, à celui qui fut non seulement un peintre mais également un ingénieur, un chercheur, un metteur en scène, un être humain de chair et sang, un homme en quête de l’homme universel, celui qui englobe la connaissance, qui est la connaissance au-delà de la raison pure. Il est l’homme qui doute pour mieux approcher la vérité. Rarement sur un parcours de vie, autant de grands noms de l’histoire de l’art, de la littérature, de la poésie, se seront croisés. Jamais autant de chefs d’états n’auront recherchés avec autant de force de persuasion un artiste aux multiples facettes. Qui était vraiment Léonard de Vinci ? D’où tenait-il ce charme aussi insondable et qui nous fascine encore cinq siècles après sa disparition et que l’on retrouve dans certains de ces tableaux comme la Vierge au rocher ou son Jean-Baptiste ? Il est un de ces artistes et la musique nous le rappelle ici, qui nous questionne sans cesse par cet intriguant sourire, non celui de la Joconde mais bien de cet ange (Uriel, celui qui porte la lumière de la connaissance des origines) ou de son Jean-Baptiste. Qui en cette belle soirée n’a pas été pas tenté de demander comme Salaï au maître : « mais que nous montre-t-il maître » ?

@ Musée du Louvre

La viole si incandescente de Jordi Savall, sa direction si élégante et bienveillante, les voix si radieuses et chatoyantes de la Capella Reial de Catalunya, - la beauté céleste du timbre du contre-ténor Gabriel Díaz et de la soprano Monica Piccini, et si ténébreux de la Mezzo Viva Biancaluna Biffi, si resplendissant des ténors Victor Sordo et Lluis Vilamajó et si sombre et puissant du baryton Furio Zanasi et de la Basse Daniele Carnovich-, nous conduisent sur des sentiers dont exhalent des parfums envoûtants et captivants.

La splendeur des instrumentistes d’Hespérion XXI, contribue également à faire de ce chemin de vie exceptionnel, un témoignage de l’humain, de la beauté, d’une époque qui remets en question des certitudes si rassurantes. Les couleurs étincelantes, opulentes des percussions de Pedro Estevan et des Sacqueboutiers, - Jean-Pierre Canihac, Béatrice Delpierre, Daniel Lassalle auxquels s’ajoute à la Doulciane Josep Borràs -, si secrètes et mélancoliques des violes de Philippe Pierlot, Juan Manuel Quintana et Lorenz Duftschmid et de la Harpe d’Andrew Lawrence – King, si étranges et fascinantes des flûtes de Pierre Hamon et du santur de Dimitri Psonis, si profondes de l’orgue de Luca Guglielmi et si vives de la vihuela et de la guitare de Enrike Solinís-, font de cet hommage au maître incontesté de la Renaissance un instant vibrant d’une mystérieuse intensité.

La vie de Léonard de Vinci fut une métamorphose constante, à l’image de l’homme, tout comme d’ailleurs, le personnage dont la musique devait occuper le second concert de Jordi Savall.

 

@ Monique Parmentier

John Dowland, Lachrimae or seaven teares, probablement le concert du soir que j’attendais avec le plus de ferveur, tant ce programme que Jordi Savall a enregistré, il y a quelques années, est probablement un de ceux qui me touche le plus. Une pure merveille qui représente à mes yeux la quintessence du répertoire pour consort de viole et luth.  Les pavanes, gaillardes et autres allemandes y dansent jusqu’à l’ivresse sacrée. Si les larmes sont souvent mélancoliques, elles peuvent aussi laisser sourdre la ferveur sensuelle de la danse, l’émotion du temps qui file. L’on se laisse envoûter par la suavité sonore qui émane du consort de viole. Le temps se laisse arrêter et les larmes du luth deviennent nôtres.

@ Monique Parmentier

Nul artiste, mieux que Jordi Savall ne parvient à donner une telle plénitude à ce répertoire unique, partageant tout à la fois l’introspection, la contemplation de la splendeur des clairs / obscurs, mais également des instants d’une clarté foudroyante ou la vitalité d’une danse qui ne demande qu’à nous emporter. Ici les larmes sont tout autant des larmes de joie ou de plaisir que des larmes de tristesse. C’est Dowland lui-même qui écrivait dans sa préface « … bien que le titre soit prometteur de larmes, conviées indésirables en ces temps réjouis, nul doute cependant que ne plaisent celles versées par la Musique, et que larmes ne naissent toujours dans la peine, mais parfois dans la joie et le bonheur".

 

@ Musée des Offices - Florence

Le maestro catalan est ici accompagné de musiciens / amis avec lesquels il partage cette vision si intense, si expressive, si troublante de la poésie de « l’Anglorum Orpheus ». Et tout d’abord Rolf Lislevand, si rare en France, le seigneur du Luth, qui malgré un poignet tout juste remis d’une fracture, fait scintiller la lumière de la pénombre enchantée de ce répertoire. Philippe Pierlot, Sergi Casademunt, Juan Manuel Quintana et Lorenz Duftschmid, apportent à la beauté de ces polyphonies cette atmosphère envoûtante ineffable. Ici tout est équilibre, poésie, nous offrant un climat parfois profondément tourmenté et pourtant traversé de lumière et de couleurs qui se jouent des âmes mélancoliques.  Semper Dowlend, semper dolens trouve auprès de Jordi Savall et de ses compagnons, des interprètes dont la virtuosité est d’un lyrisme fascinant. Je ne sais que rajouter, tant, il ne me reste pour souvenir certain de cette soirée que le sentiment d’une solitude apaisée et apaisante nimbée d’une lumière astrale. Jordi Savall poète magicien, nous a offert par ce concert, cette métamorphose à laquelle nous aspirons secrètement, celle que seule la musique a le pouvoir de nous offrir, faire de chacun de nous un flambeau de l’infini.

 

@ Monique Parmentier

Qui mieux que Dowland pouvait nous conduire vers la rose mystique, celle qui illumine le Stabat Mater, programme de la quatrième soirée.

Nul besoin d’être chrétien ou croyant pour succomber à la beauté du Stabat Mater quel qu’il soit. Probablement parce que ce cri pathétique de la vierge au pied de la croix est tout à la fois tragique, déchirant et troublant. Mais c’est aussi un chant de louange adressée à une mère, à la mère de toutes les mères. Ce chant a traversé les siècles et les mouvements musicaux en se renouvelant sans cesse. C’est une œuvre majeure au cœur d’une contre-réforme qui veut séduire avant tout. Apparue au Moyen-Âge, il signifie en latin « celle qui se tenait debout », en référence à la Vierge Marie au pied de la Croix. Nombreux sont donc les compositeurs qui s’y sont essayés. Et tous, nous ont laissé des œuvres d’une somptuosité transcendante. Jordi Savall pour ce quatrième concert en a retenu trois, celui de Marc-Antoine Charpentier, le Stabat Mater pour religieuses H. 15, celui d’Arvö Part et celui de Domenico Scarlatti à 10 voix, intercalant des interludes instrumentaux dont une composition lui appartenant en hommage au grand Caravage, Lachrimae Caravagio, rajoutant en bis le si bouleversant Da pacem domine du compositeur estonien.

@ Monique Parmentier

La rencontre de Jordi Savall avec la musique de Charpentier n’est pas récente, puisqu’il l’a enregistré dès 1989 après l’avoir découverte en bibliothèque. Et à chaque fois, qu’il l’a propose au public, les émotions qu’elle lui a inspiré, retrouvent cette ferveur des origines. La musique du plus italien des grands maîtres de la musique française du Grand Siècle trouve ici des interprètes au service d’une intensité expressive bouleversante. Tout comme d’ailleurs dans les deux autres Stabat Mater proposés ce soir.

Si celui de Scarlatti nous paraît presque plus austère, celui d’Arvö Part semble surgir du néant, une musique du silence qui irradie pour nous mener vers une grâce sereine et ineffable.

@ Monique Parmentier

Le chœur réuni par Jordi Savall est tout simplement d’une magnifique clarté, faisant preuve d’un bel équilibre entre les différentes parties. Les dissonances supplicatoires y sont si poignantes que l’universalité de cette souffrance en devient évidente. Mais l’intériorité du drame qui se joue n’en est pas moins relevée. La texture des voix, la fragilité qui en émane, les couleurs si chaudes de la basse continue, révèlent la sensualité, la tendresse, la lumière de ces œuvres de toute beauté. L’interprétation du Stabat Mater d’Arvö Part en a été quasi hypnotique, tout comme le Lachrimae Caravagio et le Da Pacem Domine final. Le caractère méditatif de ces œuvres nous éblouit.

Jordi Savall et l’ensemble des chanteurs : Arianna Savall, Monica Piccini, Lucia Martín-Cartón, sopranos ; Kristin Mulders, mezzosoprano, Gabriel Díaz, David Sagastume, contreténors ; Victor Sordo, Petter Udland Johansen, ténors ; Furio Zanasi, baryton et Mauro Borgioni, basse- et musiciens : Laszlo Paulik, violon ; Eva Psvanecz, alto ; Balázs Máté, violoncelle, Lorenz Duftschmid, viole de gambe basse ; Josep Maria Martí, théorbe, Luca Guglielmi, orgue ; Xavier Pueras, contrebasse -, nous ont offert un moment de transcendance dont les arabesques musicales, sont les larmes de la rose mystique.

 

@ Monique Parmentier

Le dernier concert a été un moment d’enchantement absolu. Clôturant sur une note festive ce festival si unique, aux notes quasi « surnaturelles », « Les jardins poétiques de William Shakespeare », intitulé du programme proposé, nous ont permis d’entendre les musiques qui ont illustrées sur scène les pièces du dramaturge anglais et qui furent compilées de manière exhaustive par Schumann dans son Dichtergarten für Musik (Jardin des poètes pour la musique).

Fascinante conclusion musicale ou Jordi Savall fait sienne la citation du Temps dans le Conte d’Hiver : « Je retourne mon sablier et j’accélère la marche de la scène ; comme si vous aviez fait un long somme ».

Magicien, il l’est comme Prospéro entouré de ses elfes et fées, le Concert des Nations et les deux comédiens/récitants invités, Marcel Bozonnet et Margaux Chatelier.

@ Monique Parmentier

La musique a depuis le Moyen-Âge occupée une place centrale sur la scène théâtrale anglaise et l’on trouve dans l’œuvre de Shakespeare plusieurs milliers de références à la musique. Et si la majeure partie des pièces musicales destinées à accompagner ses pièces est perdue, celles de Robert Johnson composées spécialement pour le Masque d’Oberon et The Winter’s Tale sont parvenues jusqu’à nous, permettant à Jordi Savall de nous les proposer ce soir. Lors des reprises des pièces du poète anglais après sa disparition, la tradition étant bien établie, d’autres compositeurs, comme Robert Locke et Purcell, vinrent enrichir ce corpus musical que nous avons retrouvé en cette si nostalgique et pourtant si joyeuse soirée.

« Si la musique est la nourriture de l’amour, jouez » (La nuit des rois) … et malgré une acoustique un peu plus difficile que les autres soirs, les musiciens et comédiens ont joué avec leur cœur et ce petit brin de déraison, la fantasmagorie shakespearienne. Tant et si bien que l’abbaye a semblé disparaître pour laisser place à la nuit étoilée, et nous permettre de succomber aux charmes de Titania et de ses fées.

 

@ Monique Parmentier

Ici l’on retrouve toutes les formes musicales, qui ont accompagné dès l’origine ces pièces de théâtre, dont les titres résonnent encore aujourd’hui comme autant de mondes imaginaires drôles ou tragiques, mais extraordinaires auprès du public. L’on y retrouve des ballades populaires, des chansons de tavernes, des airs traditionnels ou encore des chansons et des danses en vogue à la cour et dans les cercles cultivés. L’on sait peu de choses sur les ensembles instrumentaux qui à l’origine étaient présents sur scène, les didascalies étant rares et brèves, mais un certain nombre de facteurs permettent de les deviner. Entre divers instruments et sonneries utilisées sur les champs de batailles et consorts mixtes pour les scènes de bal ou publiques et réjouissances, le champ des possibles est riche.

@ Monique Parmentier

C’est donc entouré d’un Concert des Nations opulent et charmeur, - Manfredo Kraemer, premier violon ; David Plantier, second violon ; Marc Hantaï et Yi-Fen Chen, flûtes traversières ; Alessandro Pique et Emiliano Rodolfi, hautbois ; Josep Borràs, basson ; Santi Aubert, Guadalupe del Moral, Kathleen Leidig, Mauro Lopes, Isabel Serrano, violons ; Giovanni de Rosa et Lola Fernández, altos ; Balázs Máté, Antoine Ladrette, Annabelle Luis, violoncelles, Xavier Puerta, contrebasse ;  Josep Maria Martí, théorbe et guitare ; Luca Guglielmi, clavecin et Pedro Estevan, percussions-, que le Maestro catalan, nous a emporté dans la danse du Songe de cette nuit d’été, qui devaient nous ramener au quotidien dans l’ivresse d’une musique céleste.

Les deux comédiens, Marcel Bozonnet et Margaux Chatelier ont fait scintiller les extraits de La Tempête et du Songe d’une nuit d’été, avec une gourmandise communicative.

Le plaisir du maestro et de ses musiciens si volubiles, m’a fait regretter que nul n’ose danser en compagnie des fées qui pourtant semblaient nous tendre les mains à chaque note. Tel Orphée, le maestro et les musiciens ont une dernière fois, fait chanter la musique des sphères. Ils ont suspendu le temps, autour d’une scène devenue magique, nous permettant encore de nous échapper, sauvegardant l’illusion, encore un court instant.

Voici donc venu le temps cher lecteur, de remercier plus que jamais Jordi Savall, les musiciens et les équipes techniques et administratives qui leurs permettent de nous enchanter, Laure d’Andoque de Sériège et Antoine Fayet de nous recevoir à l’Abbaye de Fontfroide, les bénévoles/Amis de l’Abbaye de nous accueillir avec tant de gentillesse, l’Hôtel Zénitude qui chaque année nous héberge avec toujours avec autant de professionnalisme que de courtoisie, mais aussi toutes celles et ceux que je pourrais oublier sans volonté de le faire, je vous l’assure. Comme Puck, je vous demande votre indulgence pour ces deux textes, qui ne pourront jamais retranscrire la beauté, l’harmonie qui m’ont grâce aux talents de tous ces artistes rassemblés, permis de retrouver l’âme des Elysiques et sa rose au parfum envoûtant. Mille e mille volte grazie.

 

Par Monique Parmentier

« Mos vers an – qu’aissi l’enverse,… ». « Puisse aller ton poème. Je l’inverse en sorte que ni bois ni tertres ne le retiennent là où se sent le givre et le froid au pouvoir tranchant. Que la poésie et la mélodie aillent vers ma dame  - Raimbaut d’Orange (vers 1140-1173)

@ Monique Parmentier

 

 

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XIVe Festival Musique et Histoire pour un Dialogue Interculturel… "Rosa" Métamorphosis

15 Août 2019 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques Concerts

@ Monique Parmentier

« Ar resplan la flors enversa » - Raimbaut d’Orange (vers 1140-1173)

Pas plus que l’année dernière, vous ne trouverez ici un compte rendu « critique » de ce festival unique, qu’est le festival Musique et Histoire qui s’est déroulé à Fontfroide en juillet dernier. Unique il l’est tant par la personnalité de celui qui l’a créé, Jordi Savall, que par son caractère puisqu’il associe à la musique ancienne, des répertoires ouvrant au dialogue interculturel aussi bien entre musiciens qu’entre ces derniers et le public. A taille humaine, il ne dispose pas des lourds dispositifs et moyens dont bénéficient certains de ses voisins. Il conserve cet esprit à l’origine de la Re-Naissance de la musique ancienne en France et en Europe. Ici, musiciens et public retrouvent une « famille ».

Tout comme Puck, je solliciterais donc votre indulgence pour ces chroniques qui je l’espère me permettront de partager avec vous, cher ami lecteur, tous ces instants de poésie, de beauté, de générosité, qui pendant cinq belles journées et soirées, ont apaisé et enrichi nos âmes, au cœur de la garrigue, dans une abbaye cistercienne qui est parvenue jusqu’à nous, quasi intacte, grâce à une famille d’Andoque de Sériège / Fayet qui depuis plus d’un siècle s’est investie dans sa conservation.

@ Monique Parmentier

J’aimerai vous faire percevoir cette joie qui s’empare de moi, dès l’instant où la majorité des musiciens et des équipes techniques, arrivent au Zénitude Hôtel à Narbonne, transportant des instruments dont je sais déjà qu’ils vont enchanter des moments rares et précieux.

Il faut aussi, avoir connu une fois dans sa vie, l’allégresse qui s’empare de vous lorsque l’on descend de voiture en arrivant à l’abbaye de Fontfroide, pour subitement bénéficier de ce concert du bonheur qu’offre les cigales. Et alors que durant un long hiver, l’instant d’éternité que nous avait offert le 13ième Festival Musique et Histoire de Fontfroide l’année dernière, semblait à jamais s’éloigner, devant le portail de l’abbaye cistercienne l’allégresse s’empare de nous, comme si l’on n’avait jamais quitté cet endroit quasi paradisiaque. Il a cette faculté qu’ont de rares endroits dans le monde de nous envelopper dans un univers de sérénité, d’apaisement, nous permettant de retrouver en toute liberté et plaisir, les passeurs d’enchantements que sont les musiciens.

@ Monique Parmentier

Le XIVe Festival Musique et Histoire pour un Dialogue Interculturel, qui s’est tenu du 15 au 19 juillet nous a invité sur le thème des Métamorphoses, à un voyage initiatique le long des chemins d’une quête intérieure, à l’écoute de nos « voix lointaines » pour mieux s’ouvrir à l’autre, à la différence, de la singularité à l’altérité, au partage des plus belles valeurs humaines.

Le programme n’évoquant pas les raisons du choix du thème par Jordi Savall et Edgar Morin n’ayant pu assurer les conférences qui étaient prévues pour nous en dévoiler les différentes interprétations possibles, il a appartenu à chacun d’entre nous de vivre ce moment, où la chrysalide devient papillon, où le bouton de fleur devient rose, où la nymphe devient arbre, où les mélanges subtils, âcres ou suaves, deviennent parfums, où le chant de la nature devient musique.

Au pays des troubadours, c’est la rose des Elysiques -et ses mille et une nuances poétiques- qui a été mon guide et mon amie et qui a métamorphosé le réel jusqu’à l’effacer, emportant la musique dans ses volutes parfumées et son chant « de lumière aux ailes frémissantes »1.

Les 5 concerts de l’après-midi, - dont deux furent donnés dans le réfectoire, celui des duos formés par Guillermo Pérez et Pierre Hamon et le Duo Tartini et les trois autres dans les Jardins en Terrasse -, furent donc consacrés à cinq splendides duos qui nous ont donné une luxuriante palette de couleurs, de nuances, de lyrisme, d’évasion sur des chemins lointains et oniriques.

@ Monique Parmentier

Le premier d’entre eux, dont nous ne disposons pas du programme, a été celui réunissant deux fascinants musiciens, Moslem Rahal (Ney) et Mostafa Taleb (kamânche), tous deux membres de la troupe d’Orpheus XXI que nous avons retrouvés le soir même pour le concert inaugural du soir sur lequel je reviendrais dans un second article. Mais si nous ignorons tous des pièces données, jusqu’à leurs titres, les instruments nous disent leur répertoire, celui des bardes d’Orient, de la poésie soufie, de l’éveilleur d’âmes Djalâl ad-Dîn Rûmî, de la danse parfaite, celle des Derviches Tourneurs, celle de la vibration créatrice initiale.

Le ney est une flûte à embouchure de roseau dont les premières formes, plusieurs fois millénaires, remonteraient à l’empire de Sumer et à l’Egypte antique, tandis que le kamânche (ou vièle à pique) d’origine iranienne est un instrument à cordes frottées qui remonte à des temps forts anciens. L’un et l’autre peuvent tout aussi bien être utilisés en solo qu’en ensemble. Mais le kamânche est avant tout l’instrument des conteurs. Tous deux instruments de la musique dite « savante », le ney emporte dans son souffle la danse mystique des derviches et nos âmes vers l’ivresse de l’instant.

Si nous connaissons déjà le talent de Moslem Rahal celui de Mostafa Taleb a été une belle découverte. Ensemble ou en solo, les deux interprètes, sous les feuillages miroitant des jardins en terrasse, nous ont dessiné des instants raffinés et subtiles, où leur virtuosité a permis à leurs instruments de chanter toutes les nuances de l’âme. Pouvait-on rêver musiciens plus inspirés pour ouvrir le festival et nous permettre de larguer les amarres qui nous reliaient au monde contemporain.

@ Monique Parmentier

Le second duo des après-midis, intitulé Zarambeques, réunissait deux musiciens dont les instruments sont de la même famille : Andrew Lawrence King à la harpe baroque et Ballaké Sissoko à la kora qui est la harpe mandingue.

Le musicien malien est un habitué des métissages entre l’Afrique et l’Occident, non seulement dans ses collaborations avec Jordi Savall ou dans le cadre de 3MA, mais également avec d’autres instruments à cordes occidentaux, dont le violoncelle. La harpe baroque d’Andrew Lawrence King a très souvent participé aux grandes fresques des rencontres proposées par Jordi Savall et à des projets de rencontres « improbables » entre univers musicaux très dissemblables.

Dans un répertoire entre baroque espagnol et traditions africaines, ils nous ont tous deux offert un métissage surprenant, où les alliages instrumentaux permettent des nuances de jeu espiègles et élégantes, fluides et lancinantes, oniriques et fantasmagoriques. Sous le titre Zarambeques, aux consonances étranges et exotiques se cachent en fait les titres d’un livre pour harpe espagnol Lus y norte qu’Andrew Lawrence King a déjà enregistré et partagé avec d’autres musiciens. Il offre de nombreux exemples de chaconnes et l’on sait que cette dernière a probablement suivi les routes de l’esclavage. En réunissant la harpe africaine, la kora à la harpe baroque, toutes deux instruments de haut lignage, nos deux virtuoses se sont abandonnés au plaisir de partager une rencontre interculturelle, à l’image d’un festival ouvrant des voies paraissant incertaines qui se révèlent à chaque fois riches et passionnantes.

Le vent et les cigales sont venus parfois solliciter non seulement l’énergie des musiciens mais aussi s’amuser avec eux. Mais ces derniers sont parvenus à faire d’une nature si facétieuse, une alliée à l’humour d’un bis, une chaconne fantaisiste accompagnée d’un texte, dit par nos deux musiciens, pas très féministe et dans l’esprit très XVIIe d’une société où la ménagère était souvent une mégère.

@ Monique Parmentier

Les chansons de la Renaissance entendue la veille au soir dans le programme Léonard de Vinci, sur lequel je reviendrai très prochainement, sont les héritières du monde des troubadours. Et c’est ce répertoire des troubadours que le duo de ce troisième concert de l’après-midi, celui réunissant Guillermo Pérez à l’organetto et Pierre Hamon aux flûtes, nous a proposé. Un univers où la rose est un rêve, un songe allégorique.

Ce concert avait décidé de mettre en valeur l’organetto que l’on trouve dans la peinture médiévale. Il y accompagne le chant des anges aussi bien chez Jan Van Eyck dans l’Agneau Mystique que sur de nombreuses fresques, enluminures et retables de la Flandre à l’Italie. C’est un petit orgue portatif médiéval dont la seule main droite joue sur le clavier, la main gauche elle actionne le soufflet présent sur l’instrument. Le timbre très particulier de cet instrument emprunte tout aussi bien à l’orgue qu’aux flûtes et c’est donc tout naturellement que le duo constitué pour ce concert fonctionne. La fusion sonore est d’une plénitude de toute beauté. La combinaison et l’alternance des timbres fait chatoyer le répertoire de l’amour courtois, qu’il soit terrestre ou divin. Il transcende cet univers dont certains des théoriciens de l’époque parlaient de « fleurs » en évoquant l’art vocal des troubadours, en hommage à la ballade éponyme de Guillaume de Machaut. Mais il nous évoque également certaines tapisseries recouvertes de tapis de fleurs et habitées par des animaux mythique ou exotiques.

Et les deux musiciens, dès les deux premières pièces à l’organetto et tout au long de ce concert si coloré, aux lumières si féériques, nous révèlent ce répertoire précieux qui nous renvoie par son pouvoir envoûtant à la délicatesse, à l’harmonie, à l’essence même de la musique et d’un monde où se croisait licornes et chevaliers, belles dames et anges musiciens. Le livre qui s’ouvre devant nous est un jardin extraordinaire qu’il appartient à chacun de nous de déchiffrer, « un vergier d’amour », où les roses deviennent la quintessence du jardin des délices. « Ni vous sans moi, ni moi sans vous », le Lai du Chèvrefeuille, interprété par Pierre Hamon, à la flûte et au tambourin, en remontant le Réfectoire de l’abbaye, nous emporte dans l’univers des troubadours, hommes et femmes, qui furent des passeurs de songes, comme aujourd’hui Guillermo Pérez et Pierre Hamon. Ici tout est nimbé, auréolé d’une lumière tendre. Le son moëlleux de l’organetto nous livre un peu de la tendresse du chant des anges, tandis que la diversité des flûtes théâtralise, ces scènes d’amour courtois ou divin, nuancent leur poésie de joie ou de peine.

@ Monique Parmentier

Le quatrième concert de l’après-midi s’est plu à nous faire remonter le temps et nous faire découvrir la naissance du duo pour violon et violoncelle, au milieu du XVIIIe siècle, alors que la basse continue est peu à peu abandonnée, d’où le titre du concert : « Continuo, Addio ! » Le duo Tartini qui s’est présenté à nous est composé du violoniste David Plantier et de la violoncelliste Annabelle Luis.

Cette musique est une de celle qui me touche le moins en temps normal car elle est celle d’une période de transition, la période classique, qui tout aussi bien dans sa grande histoire, que dans sa littérature et donc dans sa musique, a des caractères qui me semblent souvent ou trop ou pas assez marqués. Et pourtant à l’issue du concert, grâce aux deux artistes, j’ai eu le sentiment d’avoir passé un moment idyllique. La poésie des pages proposées a été interprétée avec tout à la fois tempérament, passion, intelligence, souplesse et lyrisme.

David Plantier et Annabelle Luis nous ont proposé des pièces de Giuseppe Tartini, et de ses disciples Pietro Nardini et du français Pierre Lahoussaye, mais également de Giovanni Benedetto Platti, Francesco Antonio Bonporti. En dehors de Tartini, force est de reconnaître que la postérité n’a pas été généreuse vis-à-vis de ces compositeurs et il fallait tout le talent de deux musiciens accomplis pour parvenir à nous en faire apprécier la grâce, l’éloquence des Lumières devenant si expressive mais toujours élégante, sous leurs traits brillants. David Plantier et d’Annabelle Luis dialoguent avec une belle complicité et ils relèvent le défi de nous révéler la somptuosité des œuvres proposées avec les mêmes qualités interprétatives, phrasés fluides et lyriques, nuances délicates, virtuosité d’un jeu harmonieux et chaleureux. Un équilibre parfait au service d’une musique qui n’attend que de tels interprètes pour retrouver la place qu’elle mérite auprès du public.

@ Monique Parmentier

C’est avec celle et celui que les voix du vent appelaient depuis le premier jour, que s’est achevée cette série de concert de l’après-midi : Arianna et Ferran Savall.

Ce concert était très attendus de tous les publics qui se pressent à Fontfroide en fin de journée, aussi bien les amoureux des répertoires classiques, que ceux qui aiment les répertoires de musique du monde. Et nul ne fut déçu. Ces « autres voix », intitulé du concert, celles qui murmurent pour consoler la Rosa enflorece, ne pouvaient être que celles du vent et de la lumière.

Si Ferran a dès le début été à l’aise avec le choix des Jardins en Terrasse de Fontfroide pour ce concert, le chant et la guitare n’ayant pas de réelles difficultés à se laisser porter par les éléments -et en particulier le vent extrêmement violent qui faisait siffler et hurler les feuillages-, jouer de la harpe dans de telles conditions fut loin d’être une évidence pour Arianna. Mais son talent, son énergie et une attention de tous les instants pour résister d’abord puis s’abandonner ensuite, lui aura permis de nous laisser percevoir combien la harpe est l’instrument de l’harmonie, le préféré des dieux de la lumière et du vent dans de nombreuses traditions ancestrales. Un instrument tout à la fois céleste et porteur du souffle de l’infini, celui qui ouvre les portes de « l’autre monde ».

@ Monique Parmentier

Et comme dans la tradition celtique, secrète et fantasque, elle s’est jouée du vent, l'a séduit, puis dompté, au-point de donner le sentiment d’être un court instant, la virtuose d’une harpe éolienne la plus mélodieuse qui soit. La polyphonie de sa harpe, à la finesse sonore cristalline et aux phrases musicales si fantasmagoriques, a métamorphosé le temps, en devenant le miroir jusqu’au vertige, de l’incommensurable beauté qui émane de la nature, permettant à la lumière progressivement de parvenir à l’instant d’éternité qui miroitait derrière les feuillages. Cette harpe (ces harpes) aura (ont) été (ées), le talisman mystique des voix d’Arianna et de son frère, devenu les messagers de l’infini.

Sur des improvisations vocales toujours aussi fascinantes de Ferran ou des musiques composées par Arianna Savall, une pièce d’Hildegard von Bingen ou des mélodies populaires gaélique ou catalane, ce concert fut un enchantement de tous les instants. La complicité si belle du frère et de la sœur, la supplique tendrement ferme d’Arianna pour obtenir cette extraordinaire improvisation de son frère sur la musique de Kapsberger, ces sourires partagés, cette virtuosité charismatique ont créé une atmosphère d’harmonie et de joie que l’on a pu ressentir, à fleur de peau, au cœur même du public.

@ Monique Parmentier

Cette rose des élysiques qui tout au long des cinq journées du festival avait fleuri, dans cette cour isolée du temps à Narbonne, a ici révélé la quintessence de son parfum, lorsqu’à la fin du bis La Rosa enflorece – un chant sépharade si souvent interprété par leur mère, Montserrat Figueras -, les feuillages ont laissé passer une ligne de poussières d’étoiles jusqu’aux deux interprètes. Le temps a suspendu son vol, la nature a reconnu les siens, lui rendant ainsi le plus bel hommage. La lumière a dessiné ces mots de lumière qui leur étaient destinés, et l’offrande musicale est devenue un instant de partage et de générosité transcendant. Un très grand merci à eux de nous avoir permis de percevoir, la poésie des mondes invisibles au regard, celle qui nous manque tant dans un quotidien de bruit et de fureur.

 

« Là est la rose dans laquelle le verbe divin se fit chair, là que se trouve dans le cœur d’or de la Rose éternelle, celle qui accueille les âmes de la félicité céleste » - Dante

Par Monique Parmentier

1 Leopold Sedar Sengor

 

@ Monique Parmentier

 

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Du jardin ... extraordinaire, la poésie me reste

2 Août 2019 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Divers

@ Monique Parmentier

Me voici donc de retour en Région Parisienne, loin de la merveilleuse narbonnaise. Cela m'a coûté de la quitter. Mais il faut savoir faire confiance à la vie et se dire que mes pas m'y reconduiront très vite.

@ Monique Parmentier

D'ici quelques semaines je publierai mon article sur le festival de Fontfroide, mais en attendant j'aimerais dire merci. Merci à la vie et à celle qui m'avait dit que j'y trouverais cette harmonie que je cherchais depuis si longtemps. Elle ne s'était pas trompée. Merci Montse.

@ Monique Parmentier

Ce ne sont pas seulement des artistes virtuoses que j'ai rencontré là-bas, ce sont toutes celles et ceux qui permettent au festival d'exister. Mais aussi au-delà du festival, cette terre, ce ciel si bleu, ces cigales qui chantent le bonheur, les trésors des terres cathares et plus que tout un sourire. Le sourire de ses habitants qui vous accueillent et vous ouvrent leurs portes.

@ Monique Parmentier

J'en veux pour exemple, une de mes promenades où photographiant avec gourmandise les jardins si fleuris et si riches en fruits et légumes, le propriétaire me voyant faire, vient vers moi et me dit, "n'est-ce pas qu'il est beau mon potager"... Un "parisien", m'aurait certainement vu comme une menace. Là au-contraire, j'ai pu continuer de prendre mes photos tout en discutant, puis ensuite repartir avec des remerciements réciproques.

Oui, la narbonnaise est le pays du sourire. Et c'est ce sourire qui va m'accompagner un moment.

@ Monique Parmentier

Merci.
Merci à Jordi Savall et à son bureau. Merci à Laure d'Andoque et à Antoine Fayet. Merci à Bertrand Bayle et à tous les bénévoles de l'abbaye. Merci à Laurence pour ce merveilleux cadeau qui s'est révélé être tout l'or du sud, lorsque arrivée en Région parisienne je l'ai ouvert. Merci à mes trois fées des Halles Carole, Fleur, Laëtitia.

Merci à Léa et Sylvie et à l'ensemble du personnel du Zénitude qui ont permis à ce séjour d'être si zen.

@ Monique Parmentier

Merci à ceux qui m'ont si bien reçu lors de la Saint-Jacques et m'ont permis de passer une soirée onirique sous les étoiles. Merci au maire du village de Latour de France et au trésorier de l'association Arpèges en Fenouillèdes pour leur accueil lors du concert donner par les chanteurs et musiciens de l'ensemble Lessons Consort. L'église de ce village a fait l'objet d'une vraie restauration avec une mise aux normes électriques. Ce qui est à souligner pour un village de 1000 habitants, là où ailleurs la vétusté des installations met en péril certaines églises.

Je reviendrais donc bien vite pour aussi vous parler de ce concert Moulinié et de la Saint-Jacques, et de tout ce qui fait la beauté de cette ville si douce et de tout ce qui fait que je sais être là-bas "à la maison".

Mille e mille volte grazie ...  

 

@ Monique Parmentier

PS : la rose des Elysiques est forcément une rose improbable... Son mystère remonte aux temps anciens.

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