Un peu de beauté dans un monde de brut

Après une journée sans poésie, confrontée à la médisance et la bêtise, comme aujourd’hui, il m’arrive en quête de beauté de me replonger dans mes photos... et de retomber sur ces instants parfaits qui comme ici après presque 5 ans sont toujours aussi vivants et vibrants.

Un après-midi parfait au château de Versailles. Et qu’importe alors la méchanceté, la médiocrité auxquelles j’ai été confrontée. La beauté efface tout. Et la Galerie des Glaces pour moi toute seule ou des Grandes eaux exceptionnelles destinées à un tournage, me rappellent ce que le mot « privilégié » peut vouloir vraiment dire, lorsque j’ai été là à cet instant précis où la féerie est devenue réalité. Et qu’importe la jalousie que cela peut provoquer, d’autant plus qu’aux yeux des jaloux, ils estiment que de tels privilèges n’auraient pas dû revenir à la fille du jardinier. Ces instants de beauté sont ce qui me protège de ce calvaire à vivre quotidiennement, ces instants de beauté et leurs souvenirs m’aident à vivre les difficultés et à conserver la certitude qu’il y en aura d’autres, n’en déplaise aux esprits chagrins.
Se souvenir à la nuit tombée des planchers qui craquent et des murmures fantômatiques, des reflets déformés des songes du passé dans les glaces du plus beau des palais du monde et de ce pas de danse esquissé et à jamais perdu.

IBN Battuta ... "dans un nuage de poussières"
Dans quelques semaines, je reviendrais vers vous avec ma chronique du livre/CD de Jordi Savall, sorti il y a peu, consacré à Ibn Battuta, le Voyageur de l'Islam. L'ayant reçu, il y a quelques jours, j'en termine seulement la première écoute complète et bien qu'ayant entendu les deux parties de ce programme à Fontfroide, je sais qu'il me faudra du temps pour en savourer toute la luxuriance musicale et la beauté des textes et illustrations, pour vous en parler au mieux. Tout au long de cette première écoute, je me suis laissée envoûtée par cette musique du sable et du vent, du temps qui s'évanouit dans le pas lent des dromadaires, où le souffle d'Eole qui fait gonfler les voiles des boutres quittant les ports de la Mer Rouge pour de lointains horizons aux noms évocateurs de l'ailleurs.
Mais tandis que je termine cette première écoute, je suis saisie par la beauté sonore, à fleur de peau, du duduk, du ney, des percussions et de l'organetto qui accompagne la voix de Waed Bouhassoun qui en un murmure lancinant, emporte nos âmes vers l'oubli, vers l'abandon. Ecrire la chronique de ce merveilleux album de Jordi Savall, s'annonce comme un véritable bonheur tant ici tout est harmonie.
Par Monique Parmentier
Le sommeil : la vie est un songe
Souvenir d'un moment magique à la BNF, cette photo, vous permettra de percevoir, je l'espère, le sentiment de rêverie qui peut s'emparer du lecteur, lorsqu'il a l'occasion d'avoir entre les mains, une œuvre magique en un lieu hors du temps et de la réalité.
Le livret des fêtes de Bacchus dont je vous reparlerais, se présente sous la forme d'un livre. La reliure, le parchemin extrêmement fin, les dessins… mais aussi la table d'étude, le coussin rouge sur lequel repose le livre, et tout autour, j'espère que vous parviendrez à les imaginer, des boîtes à trésor… Rembrandt, Mantegna, Le Lorrain deviennent pour un instant des compagnons qui vous murmurent la poésie du monde, pour peu que l'on s'arrête et qu'on écoute cette onde, cette caresse du temps qui s'écoule. Orphée vous enchante, tandis que le Sommeil vous emporte au doux pays du songe. N'en doutez pas, le Sommeil baroque est votre ami. Et de l'autre côté du miroir, Alice peut s'abandonner à ses rêveries et à ces mondes imaginaires.
Tout n'est plein ici bas que de vaine apparence,
Ce qu'on donne à sagesse est conduit par le sort,
L'on monte et l'on descend avec pareil effort,
Sans jamais rencontrer l'état de consistance.
Que veiller et dormir ont peu de différence,
Grand maître en l'art d'aimer, tu te trompes bien fort
En nommant le sommeil l'image de la mort,
La vie et le sommeil ont plus de ressemblance.
Comme on rêve en son lit, rêver en la maison,
Espérer sans succès, et craindre sans raison,
Passer et repasser d'une à une autre envie,
Travailler avec peine et travailler sans fruit,
Le dirai-je, mortels, qu'est-ce que cette vie ?
C'est un songe qui dure un peu plus qu'une nuit.
Jacque Vallée des Barreaux (1599 - 1673)
Par Monique Parmentier
Je chante ce soir non ce que nous devons combattre...

Je chante ce soir non ce que nous devons combattre
Mais ce que nous devons défendre.
Les plaisirs de la vie.
Le vin qu'on boit avec des camarades.
L'amour.
Le feu en hiver.
La rivière fraîche en été.
La viande et le pain de chaque repas.
Le refrain que l'on chante en marchant sur la route.
Le lit où l'on dort.
Le sommeil, sans réveils en sursaut, sans angoisse du lendemain.
Le loisir.
La liberté de changer de ciel.
Le sentiment de la dignité et beaucoup d'autres choses
Dont on ose refuser la possession aux hommes.
Robert Desnos
Au fil du temps... au fil de l'éternité

En ce petit matin gris, dans le brouillard d'une sinusite très douloureuse, tandis que je consultais sans trop y prêter attention mon compte Face Book, une video (lien à suivre) diffusée par Marie Vassort Algranate sur sa page du Musée des Arts et du Textile de Flavigny m'a transporté dans un univers d'une délicate poésie, au fil du temps et de la contemplation, en un univers d'une beauté infinie.
J'ai alors plongé dans un instant de douceur, de beauté et d'harmonie qui m'a éloigné des soucis un court instant. C'est un peu de la Belgique de mes origines d'abord que j'y ai perçu. Une Belgique quasi mythique, celle de mes rêves d'enfant. La famille de mon père était ardennaise. Et puis, en écoutant la dame filmée ici, le charme n'a plus cessé d'agir. La beauté des paysages, de la maison, de l'artiste et de ses réalisations qui sous leur modestie apparente, sont bouleversantes d'humanité. Tout ici est pur bonheur. Le commentaire sous la video, nous en apprend peu, mais nous dit avec justesse le ressenti. "Elle nous offre un regard sur le paysage et le temps qui passe. Et si, le sens de la vie résidait dans la perception des petits instants de lumières qui ponctuent nos jours". Cette video, nous invite à une rencontre avec Catherine de Launoit, une artiste belge née à Bruxelles en 1943 et qui travaille à Grande Hoursinne dans les Ardennes, un petit hameau de la vallée de l'Aisne près d'Erezée. Elle est la fille de José De Launoit (1910-1973) et d'Alice Devos (1912-1968) qui furent tous deux des proches d'Hergé, qu'ils assistèrent à plusieurs reprises dans son travail.
Depuis une vingtaine d'année, Catherine de Launoit, tient une sorte de journal intime, qu'elle préfère appelé "des instantanés de vie", intitulé "Les feuillets du jour", où au fil des pages de tissus apparaissent sereinement brodées les métamorphoses saisonnières des paysages qui l'environnent et en particulier la colline qui surplombe sa maison, des personnages qu'elle côtoie, des animaux familiers, des ustensiles de la vie quotidienne. Le quotidien y devient merveilleux et chaque instant la quintessence de la poésie. Martin Dellicour, le vidéaste, nous fait partager l'âme du fil, du paysage qui devient broderie, de la broderie qui devient pâtissière, du chat qui murmure aux voiles de brumes, la douce caresse de "La vie passe comme ça..."
Par Monique Parmentier