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Le blog de Susanna Huygens

Musiques pour comédies de Charpentier par un Hugo Reyne facétieux

19 Août 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

@ Musique à la Chabotterie

Musique pour les comédies de Molière

Marc - Antoine Charpentier (1643-1704)

La Symphonie du Marais par Hugo Reyne

Romain Champion, haute-contre ; Vincent Bouchot, taille ; Florian Westphal, basse.

Ce n'est pas avec Lully que nous retrouvons Hugo Reyne au disque mais avec celui qui vécu dans l'ombre du chantre du Roi Soleil, Marc-Antoine Charpentier. Ombre direz-vous, lui dont la musique doit tant au soleil de l'Italie, et que Louis XIV su apprécier à sa juste valeur ! Cela reste à voir. Ce CD nous permet de découvrir la musique que ce dernier, alors tout juste rentré d'Italie et encore inconnu en son pays, a composé pour des comédies et ballets de Molière. L'humour caustique et le talent triomphent ici, démontrant que parfois les obstacles, et la tutelle "dictatoriale" des puissants, favorisent l'imagination et la virtuosité. Molière et Charpentier réunis se rient ainsi de celui qui tenta de les étouffer.

Hugo Reyne réunit ici quelques perles de ce théâtre encore libre, qui mélange rire, comédie, danse, musique en un subtil équilibre, nous offrant un très agréable florilège de ce genre très français qui mêle le parlé/chanté et la danse. Il s'agit en fait du programme d'un concert donné à la Chabotterie l'année dernière. Les pièces choisies illustrent le thème de l'amour et du mariage et certaines étaient jusqu'alors peu connues du public voir inédites. Le panache et le brio du comédien/dramaturge et du compositeur retrouvent dans cet enregistrement leurs couleurs d'origine, comme dans cette ouverture remaniée du Malade Imaginaire que l'on nous propose ici dans sa version réduite.  Elle fut commandée tout spécialement par Molière à Charpentier pour faire face à l'obligation qui était faite aux théâtres de n'utiliser qu'un nombre réduit de musiciens. Mais ainsi, la musique n'en est que plus brillante et facétieuse, moins solennelle. Mais au-delà c'est aussi toute la verve, le sens du comique et le génie de Molière, qui même malade n'hésite pas à défier Lully en le caricaturant avec une subtile rouerie, que les interprètes nous restituent avec talent.

Leur plaisir communicatif nous fait goûter le bonheur de ce théâtre où le grotesque côtoie la mélancolie, le burlesque la fantaisie, sans jamais se départir d'une certaine élégance musicale. Loin de la musique religieuse qui a tant fait pour la gloire posthume de Charpentier, c'est ici un univers de fraîcheur et de naturel qui domine.

Cette musique faite pour la scène enchante la comédie. On se rit avec délectation de ce trio grotesque du Mariage Forcé "Amants aux cheveux gris", ou l'amour et le mariage, ne conduisent avec l'âge qu'à des désillusions dont il vaut mieux savoir rire. On aime aussi ce duo du Sicilien "Heureux matous", qui permet à Hugo Reyne de rendre hommage à ce lieu magique mis à sa disposition (peuplé de fantômes et de légendes) qu'est le logis de la Chabotterie. Le Conseil Général de Vendée permet ainsi à la Symphonie du Marais non seulement de développer ces projets en toute quiétude mais également de bénéficier d'une véritable qualité d'édition fort rare de nos jours. Le livret particulièrement soigné et érudit et la prise de son  extrêmement équilibrée et précise mettent en valeur toute la ferveur de la scène, si perceptible dans cet enregistrement.

1 CD Musiques de la Chabotterie Durée : 63'33 - Référence : 65010 - Code Barre 3 760156 050119

Enregistré durant l'hiver 2011 au Conservatoire intercommunal de Musique des Olonnes (Les Sables d'Olonne, Vendée)

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Sonates violon+clavecin de Bach : Libres et unis

17 Août 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

Visuel-copie-2.jpgDès la mise sur la platine de ce premier CD de l’intégrale des sonates pour violon et clavecin de Bach, c’est le respect qui nous étreint. Il faut un peu de temps pour dépasser une admiration respectueuse devant une telle science de la rhétorique baroque afin de déguster la musicalité complexe et rare née de la rencontre de deux superbes interprètes et de partitions restant un Everest du duo violon, clavier.

Bach a toujours été un chercheur qui poussa chaque forme dans ses retranchements amorçant parfois la musique du futur. Il fut salué par bon nombre, et pas des moindres, comme le Père de la Musique.

Ces sonates ont la particularité de créer une relation entre les instruments qui était d’une rare modernité et encore aujourd’hui n’a pas beaucoup d’équivalent. Les deux instrumentistes sont en effets liés et totalement libres. Au point que souvent ce n’est pas deux voix qui s’entremêlent mais trois. Très souvent la référence aux sonates en trio pour l’orgue s’impose.

L’idée même du soliste accompagné par une basse continue est abolie tant la complexité de composition défie l’entendement. La virtuosité de chaque instrument est poussée à son comble ce qui n’étonnera personne sachant que le Cantor jouait admirablement des deux instruments. Dialogues amoureux, oppositions farouches, travestissement à trois, violon accompagnant le clavecin, clavecin super soliste, violon planant, humour charmeur ou sérieux grave ; tant de richesse et d’art dans la composition, avec seulement deux instruments, permet une variété d’écoute enthousiasmante.

 

Il n’est pas un aspect de cette musique si riche que nos deux artistes ne mettent en valeur tour à tour, semblant la comprendre totalement. Chiara Bianchini est aujourd’hui une toute jeune retraitée de la Schola Cantorum Basilensis, après y avoir excellé comme professeur passeur de flambeau (Amandine Beyer et Hélène Schmitt, si différentes et chacune magnifique, sont certainement les plus belles fleurs de ses élèves). Elle donne des Master Class dans le monde entier et sa carrière de soliste a été brillante tant en soliste chambriste ou chef de l’Ensemble 415. La sortie de son dernier enregistrement était donc attendu et ses futurs concerts, actuellement plus que rares sont guettés.

Le claveciniste, organiste et chef d’ensembles baroques, Jörg-Andreas Bötticher enseigne à la Schola Cantorum Basilensis et ses collaborations avec Chiara Bianchini reposent sur une connivence artistique établie de longue date.

 

Ces deux artistes nous offrent une interprétation ou la virtuosité est musique pure, les dialogues savoureux. La perception d’une totale liberté de chacun repose sur une confiance aveugle dans la musicalité de l’autre. L’énergie est pondérée et souvent nous écoutons une histoire avec plusieurs personnages pouvant aller jusqu’à s’opposer. Cet exemple d’indépendance dans la confiance est dans l’exercice de la sonate à deux, est un exemple rare et ces deux musiciens ont su en rendre la quintessence.

Les sonorités des instruments sont riches chacun étant capable de colorer à volonté son jeu. La splendeur solaire du clavecin peut aussi aller vers une douceur de velours ; le violon de Chiara Bianchini sait tout embraser, du plus brillant au plus mélancolique, dans des sonorités mourantes.

 

Un mot de l’instrument utilisé par Jörg-Andreas Bötticher. Il s’agit d’un un prêt de la Schola Cantorum Basilensis reproduction d’un 16 pieds du XVIII° tel que Bach les a aimé et promu. C’est tout simplement l’un des plus beaux clavecin enregistré connu tant la prise de son le met en valeur. Le violon de Chiara Bianchini est parfaitement équilibré et la prise de son est d’un naturel absolument merveilleux.

 

Un très bel enregistrement qui fera certainement référence.

 

Par H. S.

 

Johan Sebastian Bach (1685-1750) : Sonates pour Clavecin obligé et violon BWV 1014-1019.
Jörg-Andreas Bötticher, clavecin ; Chiara Bianchini, violon.

2 CD Zig-Zag Térritoires ZZT302

Enregistrement réalisé du 4 au 10 Juillet 2011 à l’Heure Bleue- La chaux de Fonds-Suisse

Code barre : 3760009293021

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Bach Savall : la rencontre du bonheur

5 Août 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

Visuel savallJean-Sébastien Bach

Les quatre ouvertures : Suites pour orchestre, BW 1066-1069

Le Concert des Nations - Jordi Savall

Dans le cadre de la collection Héritage, Alia Vox réédite depuis 2007, un certain nombre des enregistrements de référence réalisés par Jordi Savall et les ensembles qui l'ont accompagné tout au long de sa carrière. Ce sont de véritables perles baroques qui ainsi reviennent chez les disquaires. Que ce soit les Arie et Lamenti de Claudio Monteverdi enregistrés par Montserrat Figueras en 1989 et 1992, ressortis il y a quelques mois ou les suites pour orchestre de Bach qui nous sont proposés aujourd'hui, toutes ces rééditions sont de véritables joyaux à découvrir (ou redécouvrir) pour votre plus grand bonheur.

Jordi Savall a souhaité dans sa version des suites de Bach enregistrées en 1990, faire oublier l'image "un peu coincée" du compositeur luthérien qui bien souvent émane de toutes les autres versions de ces quatre suites pour orchestre, BWV 1066-1069. Pour cela il adopte des tempi et des couleurs si séduisants, que l'on se surprend à battre du pied, à avoir envie de danser et de rire en écoutant cet enregistrement. La convivialité du Café Zimmermann où ces suites (qui à l'époque étaient en fait nommées des "ouvertures") furent jouées transparaît. La virtuosité des musiciens d'aujourd'hui est ici conforme à celle des premiers interprètes. Elle ne se cantonne pas à une maîtrise technique, elle se vit avec un réel plaisir.

Le livret écrit par Gilles Cantagrel, l'un des grands spécialistes actuels du Cantor, relate avec passion de manière brève et incisive la naissance de ses suites. Si l'on en connaît que quatre, on suppose en raison d'un faisceau d'éléments que d'autres durent exister mais ont été perdues. Gilles Cantagrel souligne que contrairement aux "concertos Brandebourgeois", elles ne constituent pas un ensemble cohérent. Elles furent composées isolément, pour des occasions officielles que l'on ignore entre la fin de son séjour à Coethen et le début de son activité à Leipzig. Ce sont des divertissements, des musiques d'apparat et de réjouissance, qui doivent beaucoup à l'influence de la musique française et tout particulièrement, celle de Lully.

La danse y imprime ses rythmes, sa gaieté et dans chacune de ces suites, elle en est le cœur.

Jordi Savall nous offre de ses suites pour orchestre unique une version enthousiasmante, d'une splendeur et d'une grande noblesse qui ne peut que nous enchanter. Il est entouré des fins et talentueux musiciens du Concert des Nations et de solistes tous plus magnifiques les uns que les autres. Le violon solo de Fabio Bondi et les trompettes solaires de Guy Ferber, Jean-Pierre Canihac et Graham Nicholson nous éblouissent dans l'ouverture BWV 1068, lui donnant un caractère quasi apollinien qui n'est pas sans nous rappeler le chantre du Roi Soleil dont l'influence est  ici parfaitement assumée. L'interprétation de cette suite nous emporte vers des sommets de virtuosité et la mélancolie de l'Air faite des jeux d'ombres et de lumières est un pur instant d'émotion intimiste.

La flûte de Marc Hantaï se joue des difficultés dans l'ouverture BWV 1067. Son plaisir, sa ductilité nous offre des instants d'hédonisme, à la joie de vivre bouleversante. Quant aux joutes des hautbois et du basson solo, Josep Borras, dans les suites BWV 1066 et 1069, leur ludisme et leur fantaisie sont une source de plaisir. Que dire de plus si ce n'est que l'orchestre, composé des meilleurs musiciens du Concert des Nations (dont Pierre Hantaï au clavecin, Pedro Estevan aux percussions sont les plus connus du public) sous la direction sereine et généreuse de Jordi Savall, respire et chante. Ainsi la polyphonie exprime avec bonheur tout ce que la musique de Bach partage et offre : la générosité à l'état pur. Pas de doute, en plus de 30 ans, Jordi Savall a réalisé un travail unique dont la magnificence mérite ces superbes rééditions, soigneuses jusqu'aux plus infimes détails des livrets.

Par Monique Parmentier

2 CD 1 Alia Vox Heritage - Durée : CD 1 : 53'54'' CD2 : - Réf : Alia Vox AVSA 9890 A + B

Réédition. Enregistrée en août 1990 à la Grande salle de l'Arsenal à Metz

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