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Le blog de Susanna Huygens

Des leçons de Ténèbres aux couleurs d'ambre

22 Juillet 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

visuel kossenkoMarc - Antoine Charpentier

Leçons de Ténèbres

Par Artei Dei Suonatori - Alexis Kossenko

 

Après les leçons de Ténèbres italiennes oh combien magnifiques ! d'un tout jeune ensemble In Musica Veritas, je vous reviens avec une chronique d'un superbe ensemble polonais déjà fort d'une expérience commune importante au disque et aux concerts  avec leur chef flûtiste Alexis Kossenko. Après Vivaldi et Carl Philipp Emmanuel Bach, ce sont les couleurs et l'humilité de Charpentier qui les ont portés.

 

Pour ce nouvel enregistrement chez Alpha, ils nous proposent une version intense et mordorée de la Passion. Les Leçons de Ténèbres connurent un immense succès tant artistique que mondain auprès du public français de la fin du XVIIe siècle. Marc - Antoine Charpentier s'est intéressé à ce genre tout au long de sa carrière. Selon Catherine Cessac, une des grandes spécialistes du compositeur français à qui nous devons le texte du livret, il en aurait composé au total trente et une ! Les cycles de ces leçons étant incomplets, des pièces instrumentales et vocales reconstituant la liturgie nous sont offertes ici, le disque se terminant par les leçons. L'orchestre de Charpentier  dans ces trois leçons pour voix de basse était composé de flûtes, hautbois, cordes basson et orgue ... C'est donc cet ensemblage qu'a retenu Alexis Kossenko. Ce qui nous enchante avant tout dans ce disque c'est l'orchestre. Tout ici est harmonie, équilibre. Les couleurs ambrées des flûtes, le clavecin et le théorbe à l'onde chamarrée, les cordes de velours, le basson et les hautbois entre ombre et lumière, sont un véritable régal. La souplesse de la direction fait danser les reflets de cette flamme ardente qui anime les motets de Charpentier. flammeSon approche faite de modestie et de gravité, parvient ainsi à toucher au cœur, d'autant plus que son sens des nuances, prolonge à l'infini le sentiment de plénitude qui ici domine. C'est probablement dans la Leçon du Jeudi Saint que la flûte et le théorbe s'unissant à la voix, parviennent à une émotion si bouleversante que la musique y devient flamme qui s'élève sans cesse et s'abandonne entre des silences où le souffle de la vie devient aussi sensible et fragile que le son à la limite du perceptible.

 

Quant au soliste Stephan MacLeod par l'élégance de son phrasé, sa projection subtile et son timbre sombre et profond, il donne au texte toute la noblesse nécessaire.

 

Voici donc un très beau disque, ou progressivement nous nous laissons conduire vers la paix extatique de la Résurrection. La prise de son donne à l'espace sonore, le sentiment qu'il est un réceptacle où la musique s'épanouit.

 

Par Monique Parmentier

 

 

1 CD Alpha - Durée : 65'38"  - Code barre : 3 760014 191855

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Un voyage musical en peinture

14 Juillet 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Dossiers Musique

@ Musée des Beaux Arts Rouen

Je souhaite ici vous faire découvrir des peintres méconnus qui ont "représenté la musique" au XVIIe siècle... Celle du silence, celle que votre imagination et que votre envie de découvrir le répertoire baroque grâce aux musiciens d'aujourd'hui, pourra rendre vivante. Il y a différentes manières d'aborder l'histoire de la pratique musicale au XVIIe siècle, dont les plus évidentes et logiques sont les traités, mais aussi les partitions et l'étude des instruments. Pour ma part, n'étant ni musicologue ni historienne de l'art,si dans votre parcours à mes côtés vous relevez des erreurs n'hésitez pas à me les signaler,-  ce n'est qu'à un voyage dans le temps et en des lieux proche de l'Arcadie, que je vous invite. A travers la peinture dite de genre où j'ai trouvé quelques trésors qui j'espère vous raviront, peut - être vous dévoilerais-je une part de l'enchantement baroque. (Ci - dessus Un festin dans un parc attribué à Sébastien Vrancx (Anvers 1573 - 1647), au Musée des Beaux-Arts à Rouen).

Galleria Doria-Pamphili Rome

En dehors des peintres italiens ou flamands les plus connus au rang desquels figurent Caravage ou Théodore Rombouts, toute une série de petits maîtres flamands dont les noms sont peu connus du grand public, ont représenté  concerts, bals, carnavals, kermesses et autres fêtes dans leurs œuvres en un savant mélange de finesse naïve et onirique. Ce sont ces "petits maîtres" que je vous propose de découvrir. On distingue dans la peinture de genre, celle des grands figures et celle des petites figures. Je ne m'attarderais que peu sur la première. Par ailleurs, je reviendrais dans un autre article sur l'un d'entre de ces peintres qui me touche tout particulièrement, Louis de Caullery. Pour tous les autres, y compris les anonymes je vous propose de me suivre, dans cette visite du musée idéal selon moi, celui qui fait revivre la fête baroque dans toute sa diversité et ses couleurs. 

@ DR

Peu d'historiens de l'art, se sont intéressés aux peintres de genres. D'ailleurs certaines attributions sont régulièrement revues lors de ventes aux enchères, démontrant ainsi une connaissance approximative de ces "petits maîtres". C'est dans la peinture flamande du XVIIe siècle, où leur nombre extrêmement important interdit de tous les passer en revue, que je les ai rencontrés. Ce sont pourtant de véritables maîtres possédant une palette et une grâce qui me touchent. Parmi tous les thèmes qu'ils ont traités celui qui m'intéresse ici est bien évidemment la musique. 

Parmi les plus connus, l'on trouve David Teniers le jeune (1610 - 1690) - dont vous pouvez voir ci - dessus, le Tableau Kermesse au Village. fils David Teniers l'Ancien (1582 - Bruxelles 1649)

David Teniers le Jeune - @ DR

Ce tableau introductif pose les caractéristiques même du peintre de genre. Loin des sujets historiques, du portrait officiel, ces peintres, comme David Teniers, le jeune s'intéressent avant tout à la vie quotidienne, aux faits et gestes des hommes (seigneurs ou paysans), sans aucun rapport à la mythologie ou à la religion. Rien d'exceptionnel dans les scènes peintes, pas de personnages connus que l'on souhaite flatter, des anonymes en groupe ou solitaire, dont on peut tout juste déterminer la classe sociale et l'époque dans laquelle ils vivent. On trouve bien sûr dans tous ces tableaux profanes un second sens, plus ou plus moins allégorique ou moral, même si parfois le hasard peut aussi y prendre sens. Il arrivera donc que parfois, vous soyez tenté de me dire, oui mais là c'est une allégorie. Certes vous répondrais-je, mais ici le tracé me semble incertain entre les genres, montrant combien l'allégorie quand elle sert encore de thème au tableau, peut n'être bien souvent plus qu'un prétexte. C'est donc avant tout une sorte de témoignage pris sur le vif, relatant des us et coutumes, illustrant un état d'esprit.... Le charme de ces tableaux tient avant tout à ce côté "air du temps", comme le qualifie F.C. Legrand, qui leur octroie ce sentiment d'onirisme naïf, un peu comme un de ces airs que l'on retient et chantonne, une ritournelle, celle d'un bonheur simple et sans afféterie.

Dans les tableaux ci-dessus, nous sommes donc en présence d'une scène populaire dont les instruments rois sont bien souvent la cornemuse, la musette ou la vielle.

Pieter Brueghel l'ancien - Danse des Paysans - @ DR

La cornemuse du tableau de David Teniers le jeune, tout comme celle du tableau de Pieter Brueghel l'ancien, possède deux longs tuyaux de bourdons parallèles, un tuyau mélodique et un grand sac qui se serre entre les avant-bras. Le timbre de cet instrument était grave.Tout autour des couples dansent, tandis que des hommes attablés derrière le musicien boivent. C'est donc une scène de liesse populaire, une kermesse, où pendant quelques heures des paysans, s'autorisent une pause dans une vie souvent rude. Dans certains tableaux de David Teniers on peut donc voir très souvent des personnages qui s'adonnent au plaisir de la musique. Souvent avec une simple pochette, un instrument souvent utilisé par les maîtres de danse pour accompagner leurs leçons. C'était un instrument à trois ou quatre cordes qui apparu au XVIe siècle. Bien sûr pour tout ce qui est scène populaire, l'influence de Pieter Breughel l'ancien est évidente. On retrouve en particulier chez David Teniers l'ancien ces personnages un peu trapus, aux gestes lourds, aux expressions légèrement caricaturales.

Peintres-genre-011.JPGAinsi grâce à la peinture flamande et à des petits maîtres oubliés, nous pouvons vivre tous ces petits instants précieux, fait de petits riens, où le temps semble s'arrêter, pour mieux savourer un certain bonheur de vivre, dans un temps où il n'y avait ni téléphone portable, ni ordinateur. Bien sûr la musique est représentée depuis l'antiquité et elle occupe depuis toujours une place importante dans le quotidien, apportant certainement au-delà de son rôle sacré, une forme de bonheur sans prétention à tous. Au XVIIe siècle, elle est aussi bien pratiquée par des professionnels que par des amateurs éclairés ou non. Elle appartient à tous et il est fort probable que même amateurs, tous ces musiciens soient dans l'ensemble de bons voir d'excellents interprètes. Certains pratiquant la musique de manière instinctive, sont probablement doués d'une très bonne oreille, leur permettant de créer des mélodies, reprenant des refrains connus.

@ Museum Kunstpalast Düsseldorf

La peinture de genre va donc se nourrir des tableaux de mœurs à valeurs morales qu'elle finira par supplanter. Elle n'inventera rien, innovera peu, mais développera sa propre personnalité liée à son époque. Elle cesse d'être dans les intérieurs un objet de piété pour devenir décorative. Elle est objet de plaisir et vient évoquer des instants de paix, alors que les Pays-Bas souffrent de pillages et de famines, sans compter les épidémies. Il n'est qu'à voir certains tableaux de Sébastian Vrancx, pour comprendre ce que la Flandre subit comme fléaux (comme cette attaque de mercenaires contre un village).

© R.M.N./H. Lewandowski

Ainsi ces peintures de genres, produites à grande échelle pour l'époque, viennent-elles orner les Cabinets d'Amateurs (Tableau de Frans Francken dit le Jeune, Ulysse reconnaissant Achille parmi les filles de Lycomède au Louvre) et jusqu'aux couvercles des épinettes. La musique est considérée comme faisant partie de ce mode de vie idéal, que seule la paix peut offrir. Au contraire des peintres du sud, aucune contrainte religieuse due à la Contre-Réforme ne vient faire barrage. L'humour et la dérision sont deux caractères essentiels de la peinture de genre. Ici l'on ne cherche pas à convertir, mais à amuser ou faire rêver. Anvers est alors une plaque tournante pour l'exportation de l'art et de nombreux artistes y ont leur atelier. Certains font le voyage d'Italie et sont en relation avec des marchands d'art d'origine flamande installés à Paris, Prague, Rome...

Cette peinture profane de genre, n'est pas apparu au XVIIe siècle. Plusieurs peintres et graveurs entre la fin du Moyen-Âge et celle de la Renaissance, ont été fortement influencés par ceux qui les précédèrent.

Ainsi dès le Golf Book (livre d'heures), la musique apparaît dans une scène profane, celle du Festin de février. Ce somptueux livre d'heures du XVe siècle, dont on ignore à qui il était destiné, illustre toutes les activités de loisirs de l'époque où il fut réalisé. La musique y accompagne les plaisirs de la table. 

@ Rijksmuseum Amsterdam

Durant tout le XVIe siècle, la symbolique religieuse et allégorique y possède encore toute sa charge, comme dans Le Mariage à Cana, qui date de la première moitié du XVIe siècle peinte par Jan Cornelisz Vermeyen (vers 1504 - 1559). Mais progressivement, la musique dans sa représentation tend à quitter la sphère du sacré pour devenir profane. Elle accompagne des  instants de convivialité. Et l'un des instruments les plus courants de ces moments là, le luth y est présent. Les peintres de genre flamand, vont réinventer les thèmes existants pour ne plus célébrer que les plaisirs de vie. Dès cette époque on voit les scènes galantes prendre le dessus sur le côté édifiant.

@ Paris, école nationale supérieure des Beaux-Arts (ENSBA)

Parmi les peintres graveurs qui influencèrent les peintres de genre, l'un d'entre eux tient une place importante, il s'agit de Lucas Van Leyden (entre 1489/1494-1533). Voir ci - contre à votre droite, la gravure des Musiciens.

(C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michèle Bellot

Mais aussi et surtout la gravure de la Danse de la Madeleine se livrant au plaisir du Monde, ou apparaît une scène de Cour d'amour, telle qu'on la connaissait déjà au Moyen-Âge. Datée de 1519, elle influencera plusieurs générations de peintres.

 

 

 

On retrouve dans ces œuvres, des instruments et des situations qui tout au long du XVIIe siècle vont occuper une place centrale dans la représentation de la musique.

Mon Cabinet d'amateur, comprendrait donc un certain nombre de gravures (dont celles ci-dessus) et de tableaux dont vous avez déjà également ci-dessus un aperçu. Sauf peut - être je l'avoue les Teniers. L'essentiel dans un cabinet d'amateur aimant la musique ce n'est pas tant la valeur financière du tableau que ce qu'il vous évoque.

Ce que j'aime dans la représentation de la musique, ce n'est pas seulement d'y découvrir de beaux instruments anciens, mais ce sentiment de participer à ces concerts qui à l'époque ne ressemblaient pas à ceux que l'on connaît aujourd'hui. A l'époque, le "public" s'amuse, rie, mange, danse... et je ne sais quoi encore, tandis que les musiciens jouent. Rien de compassé, la musique ne revêt pas ce caractère mondain et un peu stakhanoviste de rangées de siège, où chacun une fois installé, tente d'apercevoir des musiciens tout de noir vêtu, jouant dans un faux silence entre toux et sonneries de téléphones portables. Au XVIIe siècle la musique s'intègre parfaitement à toutes les activités profanes, dont chacun profite en société. Voici donc quelques tableaux de genre qui parfois sans être des chefs d'oeuvres me touchent. Commençons par ceux de la Famille Francken. C'est une famille  de peintres sur plusieurs générations , plutôt bien connue, mais dont l'attribution des tableaux est parfois teintée d'incertitude. Donc du début du XVIe siècle à celui du XVIIIe, ils sont une dizaine, installés à Anvers à avoir laissé un nom dans l'histoire de l'art. Les plus intéressants pour moi, sont François I et II et Jérôme II. Franz Franken1 un balLe premier naît en 1542, le second en 1581, le dernier en 1578, trois générations de père en fils qui dans la production "quasi industrielle" des peintures de genre à l'époque, nous offre quelques perles rares, au charme certain. Bien sûr, tous ces tableaux correspondent à des commandes thématiques : les cinq sens, la parabole du Fils prodigue ou un bal plus ou moins officiel, comme c'est le cas dans celui peint par François II, dont je ne peux que vous donner un lien vers un dessin du XIXie siècle qui se trouve au Musée de Chantilly. L'original est actuellement à la Haye. On y voit des musiciens dans une loge surplombant, les danseurs. Ces derniers sont exceptionnellement dans un tableau de genre reconnaissables pour certains d'entre eux. Le père de François II, avait lui-même réalisé, un tableau très proche, actuellement au Musée de Montauban (voir ci-contre).On y voit en revanche, les musiciens au milieu des danseurs et des buffets chargés de victuailles. Comme dans le petit tableau sur panneau de bois, nous offrant un bal dans un milieu plus bourgeois, on y voit épinette, luths et flûtes. De petits orchestres, dont on a le sentiment qu'ils pourraient bien être totalement improvisés. Les musiciens pouvant au fond faire partie des groupes de danseurs, tandis que dans le tableau de François II, on a clairement des musiciens professionnels. Le tableau de Montauban semble avoir besoin d'un bon nettoyage, mais on devine une palette ocre et chaude. Très fréquente chez les deux François.

francken1Un des thèmes favoris devenus purement décoratif chez les Francken sont les paraboles et tout particulièrement, celle du fils prodigue. Elle leur permet bien souvent sous forme de petites scénettes de nous raconter une histoire où les plaisirs de la vie nous sont montrés avec une certaine sensualité. Il s'agit de se laisser séduire par le cadre, les personnages et la composition de la toile, comme dans cet autre tableau de François II (aujourd'hui au Musée d'Etat de Kalsruhe). Ici les  ocres des pavillons, et les couleurs ambrées des personnages et de leurs costumes, baignent la scène dans un sentiment de douce et tendre plénitude.  Voici un tableau que j'aime tout particulièrement. Le banquet au premier plan est installé sur la terrasse d'un palais. Tout autour dans des pavillons différents épisodes de la parabole apparaissent en quatre scénettes : les adieux du Fils prodigue, son retour, son expulsion par les courtisanes et sa visite chez un prêteur sur gages. Dans une architecture héritée de la peinture flanco-flamande du XIVe siècle, elle-même héritée du théâtre médiéval, Francken ne cherche pas à édifier, mais au contraire à nous raconter et nous montrer avec beaucoup de fantaisie les plaisirs de la vie. Il y a de nombreux petits détails que je vous encourage à découvrir. carnaval vénitienVous êtes vraiment ici, sur une scène baroque. Les personnages extrêmement élégants, la blondeur de leurs cheveux bouclés, les coloris délicatement fondus et cette atmosphère chaude qui s'estompe en camaïeu, la table chargés de mets délicats et cette musique du luth et des flûtes, qui semble s'accorder au ton de la toile participent à un sentiment d'enchantement qui nous étourdi comme le vin que sert la servante.

Venons en à un peintre de la famille Francken qui m'intéresse tout particulièrement Jérome Francken I (1540-1610), l'oncle de François II qui travailla pour la cour de France. Il est considéré par les historiens de l'art comme étant celui qui dans la famille Francken tint le rôle le plus important dans le développement de la peinture de genre. Car c'est lui qui introduit au Pays-Bas le tableau de société, et tout particulièrement les scènes de bal. Ce que j'aime chez Jérôme Francken c'est que l'on ressent une véritable liesse dans certaines scènes de bals l'on y rencontre en particulier des personnages et de Commadia dell'arte, comme dans ce tableau titré "Carnaval Vénitien" daté de 1564 ou 65, identifié de manière certaine de sa main et se trouvant actuellement à Aix-la-Chapelle au Musée Suermondt. On y voit des seigneurs et des dames en costume vénitien, discutant, dansant et faisant de la musique. Une bande de personnages masqués, dont deux d'entre eux portent les habits des caractères les plus célèbres de la Commedia dell'arte, Patalon et Zani se sont introduits dans la foule et exécutent leur numéro de mime et leurs cabrioles.Gemälde des Hieronymus Francken - Die Compagnia dei Comici Pantalon appelle du geste une très belle Vénitienne qui part au bras d'un grand seigneur. La scène se déroule dans un intérieur dont les fenêtres s'ouvrent largement vers un paysage maritime et l'on aperçoit des gondoles. Les femmes potelées au visage rond, sont blondes et sont coiffées à la mode vénitienne à deux coques de cheveux. Sur la gauche, elles forment un groupe qui discutent entre elles. Si bien sûr l'on pense à Véronèse, on est loin malgré tout de la somptuosité du grand maître vénitien. Mais ici les couleurs sont traitées avec une grâce infinie. Les robes sont tantôt blanches, coupées d'un peu de bleu, tantôt jaunes ou oranges, rose lie de vin ou vertes. Le sol est rosé, les murs gris-verts. Des couleurs atténués qui s'harmonisent dont surgit le rouge des "masques" dans la fenêtre. Ce rouge tranche d'autant avec les autres couleurs qu'il est lui-même sur un fond gris-bleu et blanc du ciel. Du même Jérôme Francken, du moins lui est-il désormais attribué, je vous propose cet autre tableau, plus connu par les amateurs de Commedia dell'Arte. Il s'agit de la Troupe des Gelosi qui se trouve au Musée Carnavalet. Jérôme Francken vécu la plus grande partie de sa vie à la Cour de France au service de la reine Louise de Lorraine et du roi Henri IV. S'il est si courant de trouver des tableaux de lui où figurent des personnages de la Commedia dell'Arte, c'est parce que cette dernière fut fort en vogue à la cour de France jusqu'en 1577, date à laquelle elle fut interdite car "celles-ci n'enseignant que paillardise et adultère"... Il existe un autre très beau tableau, avec des masques de Commedia et deux musiciens, illustrant parfaitement le couple d'amoureux que j'aime beaucoup.

elegant company music banquet hiAlors que bien souvent le luth est un instrument courant dans toutes ses scènes de genre, on trouve un instrument plus rarement représenté aux mains des élégantes dans la première partie du XVIIe siècle, du fait de sa réputation à l'époque, en faisant un instrument plus populaire : la guitare. Pourtant chez Hieronymus Jannsens (1624-1693), elle apparaît aux mains de dames fort élégantes.

 

 

 

bal janssensCe peintre anversois fut surnommé "le danseur". Il avait la réputation d'être un joyeux drille et fut un des grands spécialistes des représentations des scènes de bal. Il rend parfaitement l'image à travers son  œuvre d'une société jeune et frivole. Le soin qu'il apporte aux costumes, le rend d'ailleurs plus qu'intéressant pour ceux que l'histoire du costume intéresse. Les personnages sont posés avec soin dans un décor de palais ou aux abords d'un parc, les coloris toujours tendres et les plis des robes, sont autant de petites touches qui font le charme de ses tableaux. Une scène de bal, aujourd'hui au Musée de Lille a directement inspiré Watteau pour ses Plaisirs du bal. Des musiciens assez nombreux sont placés sur une estrade sur la gauche. Ici, tout n'est que grâce et élégance. Janssens-Hieronymus.jpgLes personnages sont disposés avec beaucoup d'a- propos et des espaces sont ménagés entre les danseurs et les autres groupes. Si les attitudes sont gracieuses, elles sont toutefois un rien trop apprêtées. L'homme qui danse a la main fine et un maintien qui tend à démontrer qu'il a suivi des cours auprès d'un maître de ballet. Les dames ont une taille fine et bien faite, une tête petite et avenante. Le décor ici n'a plus rien de bourgeois, mais semble très nettement princier. L'architecture et le ciel, la verdure du parc et les statues baignent dans les gris et bleu-gris.


CET ARTICLE EST EN COURS DE REDACTION MERCI POUR VOTRE COMPREHENSION. JE VOUS INVITE A REVENIR POUR EN SUIVRE LES CHEMINS DE TRAVERSE. N'HESITEZ PAS A ME FAIRE PART DE VOS REMARQUES. 

 

 

- M. A. Kadrizky : The art of commedia : a study in the "Commedia dell'Arte" 1560-1620 Chez Rodopi 2006

- F.C. Legrand : les peintres flamands de genre au XVIIe siècle aux Editions Meddens 1963

 

 

 

 

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Montserrat Figueras : la voix de l'émotion

9 Juillet 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

visuel-copie-2.jpgCe double Album, n'est pas tout à fait comme un autre, et chaque lecteur lorsqu'il l'écoutera le comprendra. Il ne peut être l'objet d'une chronique/critique comme une autre. C'est de toute manière une pure merveille, que je ne peux que vous recommander. Comment pourrait-on critiquer ce qui est avant tout un hommage à celle qui restera à jamais dans nos cœurs, comme la "voix de l'émotion", titre de cet album qui convient si bien aux sentiments, que l'on éprouve en l'écoutant. Ce double CD, nous permettra d'entendre pour toujours celle dont la voix aimante, amicale et lumineuse était à l'image de sa personnalité. Montserrat Figueras, s'en est allée à l'automne dernier, le 23 novembre 2011 et depuis ses proches comme le public la pleurent.

 

Jordi Savall, son époux et Alia Vox le label qu'ils avaient cofondé, nous offre ce très beau coffret regroupant des pièces enregistrées entre 1978 et 2009. Ce kaléidoscope est une offrande musicale unique. Dédié à une grande artiste qui tout au long de sa carrière nous a apporté la beauté et l'apaisement. Jordi Savall démontre dans ses choix des pièces proposées ici tout à la fois son amour et son admiration pour celle qui fut "son amie, sa compagne, amante, mère, muse, maître et conseillère", mais aussi un humanisme profond, serein et d'une grande élégance, permettant de transcender le chagrin.

 

el-cant-de-la-sibilla-catalunya-montserrat-figueras-jordi-s.jpgninana.jpgDes mélodies séfarades, aux prophéties obsédantes de la Sybille, des recueils de chansons polyphoniques de la renaissance ibérique, aux mélodies de la vihuela espagnole, à celles de Monteverdi en passant par la déchirante berceuse de Merula, à un répertoire, plus tardif, tout ici a été conçu pour nous permettre de découvrir toute la richesse de la carrière de Montserrat Figueras.

Plus de 30 années d'une vie si opulente, qu'elle s'en est écoulée trop vite. Lorsque l'on écoute sa voix, pourtant, le temps ne semble avoir aucune prise sur elle, tant elle est à l'image de son sourire si lumineux et de ses gestes à la grâce ineffable. Devenu artiste de l'Unesco en 2008, elle a défendu de toute son âme une certaine idée du partage et de la culture. De la musique du Moyen-Age à celle de l'époque contemporaine, de celles de cour  à celles des voyageurs, elle a parcouru et défendu des répertoires s'ouvrant à la diversité, avec une exigence musicologique et un travail d'études dont le résultat fait oublier par sa plénitude que rien n'était acquis, que tout était à découvrir. 

 

26_MA_Savall_figueras.jpgCette voix dont Renaud Machart, écrit dans le livret qu'elle "fendait d'un trait lisse" l'air, m'a toujours bouleversé. Pourquoi ? Peut-on expliquer l'indicible ? D'ailleurs ce n'est pas seulement la voix, et son art du chant si subtil et qui donne à l'éphémère toute sa fulgurance, c'est la personne, qui chante et qui nous livre son âme. Ce sont aussi les musiciens qui l'accompagnent et dont les cordes pleurent tandis que le cœur des percussions bat. Un sentiment d'éclat clair et limpide et d'équilibre poétique et vulnérable, d'instants qui s'arrêtent sur une note, sur un mot, sur une phrase. Le texte merveilleusement dit et chanté quelque soit la langue, nous raconte une histoire, nous fait ressentir la joie, la souffrance, la douleur, la mélancolie et l'harmonie. En écoutant Montserrat Figueras on oublie que trop souvent la vie nous déchire et nous brise. Avec elle on reprend espoir et confiance. Elle est là et nous tend la main. On l'entend nous murmurer, cette phrase d'elle que cite le livret : "Il ne suffit pas d'écouter la musique avec nos oreilles, nous devons l'écouter avec notre âme". Alors, le critique se tait, et écoute. Il n'est besoin d'aucune science pour aimer la musique et y être sensible. Il suffit de s'y abandonner, pour se retrouver. C'est cela que Montserrat Figueras, Jordi Savall et tous les musiciens qui les ont accompagnés nous ont enseignés. Qu'importe que la musique soit savante, cela est affaire de musiciens, c'est ce qu'elle nous apporte qui compte.

 

figueras.jpgJ'ai parfois rêvé d'aller à Fontfroide écouter Montserrat Figuerras et Jordi Savall. De nombreuses photos qui illustrent le livret, nous compte la belle aventure vécu par un couple auquel la musique que l'on dit ancienne doit beaucoup. A Fontfroide, ils ont, en un lieu à la magie très particulière à leur disposition, hors du temps, y accomplisant un travail de rencontres et de partage unique. J'ai eu la chance de les croiser sur certains concerts, mais trop tard déjà. N'hésitez surtout pas à vous rendre dans les Corbières, Jordi Savall y poursuivant cette œuvre commune. Mais en les écoutant, lui et sa muse, grâce à ce coffret (et à d'autres), en écoutant cette voix, vous les rejoindrez déjà, comme dans un rêve. Rare sont les voix capables de produire une telle émotion, touchant à notre être le plus profond.

J'aimerai vous décrire chacune des pièces qui figurent dans ce coffret, je ferais alors travail de critique, mais à quoi bon, toutes sont uniques et merveilleuses. Toutes sont d'une beauté inexprimable. Si le sublime existe vous le trouverez ici. 

Chère Montserrat, merci. Vous me manquerez. Vous nous manquerez. Les muses vous pleureront longtemps... sur Terre. Mais peut-être en fait les avez-vous rejointes dans cet autre monde où règne cette paix que vous avez défendu avec tant de passion et de générosité. A tous mes lecteurs, faites ce voyage en compagnie de la voix de l'émotion. Elle vous consolera comme aucune autre.

 

2 CD Alia Vox - Durée : CD 1 : 74'58'' - CD2 : 79'02''

 

Copyright photos : DR 

 

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Des ténèbres à la lumière dans l'Italie du Seicento

2 Juillet 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

Visuel-copie-1.jpgLeçons de Ténèbres

Samedi saint dans l'Italie du Seicento

Il est des CD que l'on reçoit parfois des artistes, sans avoir rien demandé. Malheureusement il arrive qu'ils nous parviennent à un moment où l'on n'est pas forcément prêt à les entendre, au risque de passer à côté. C'est un peu l'histoire de cet enregistrement, le premier de l'ensemble in Musica Veritas qui m'est arrivé à la fin du printemps à un moment où la musique qu'il nous propose ne pouvait en aucun cas me convenir.

Une chronique ne me vient jamais comme cela. Être touché par un disque, puisque je fonctionne au coup de cœur, ce n'est pas quelque chose d'aussi évident qu'une critique froide et objective. Mais l'intérêt d'un blog, c'est qu'on a le temps pour nous et que contrairement à la presse papier ou à certains grands sites internet, aucun soucis éditorial ne vient m'obliger à faire dans l'urgence et en la bâclant cette fameuse chronique, que certes les artistes attendent, mais dont il vaut mieux qu'elle soit faite au moment où le désir est éveillé, où l'on est prêt à recevoir un don aussi merveilleux que celui qui est fait par quatre musiciens. Il crèe ici un véritable bijou baroque comme je les aime.

Les clairs obscurs de l'Italie du Caravage se retrouvent ici, dans toute leur poésie, leur violence et leurs subtilités. Ici est développée une palette riche en nuances, proche du silence et de la méditation, exprimant la souffrance avec une sensibilité à fleur de peau, un humanisme sans fausse délicatesse, où le doute et l'espérance tourmentent et libèrent l'âme

Bien que ce soit en France au XVIIe siècle qu'est né le genre proprement dit des "Leçons1312236-Le Caravage le Couronnement dépines de Ténèbres", elles s'inscrivent dans la liturgie de la Semaine Sainte depuis le Ve siècle. Si la discographie est abondante pour ce genre, les "leçons" proposées par l'ensemble In Musica Veritas, se révèlent particulièrement originales et passionnantes. Il nous offre de découvrir la liturgie du Samedi Saint telle qu'on aurait pu l'entendre dans la première partie du XVIIe siècle en Italie. Afin de reconstruire un corpus idéal, les musiciens de ce jeune ensemble, ont fait appel à différents compositeurs italiens, assez méconnus si ce n'est peut - être Merula et Sances. Mis bout à bout, ces différentes pièces instrumentales et vocales nous conduisent sur des chemins de croix, où la nuit semble devoir tuer toute espoir. L'esprit n'a plus d'autres voies tandis que la nuit se fait et que les cierges s'éteignent durant l'office, que de suivre la musique qui devient lumière, cette voix qui chante, qui prie, qui exprime l'absolue souffrance et dont émerge pourtant l'espérance. Quoi de plus terrible que ces sons discordants du jeu de régale, si criards et éraillés, hurlant la douleur, comme celle que provoque ce fouet qui claque et qui cingle et l'amertume âpre du vinaigre qui vient remplacer l'eau que le crucifié supplie de recevoir, qui ouvrent le CD. Nous rappelant que nous partons sur des chemins d'ombres et de douleurs, le jeu de Pierre Gallon à l'orgue est d'une grande intelligence, riche et expressif. La sacqueboute de Franck Poitrineau et le cornet à bouquin de Judith Pacquier, viennent enrichir le continuo avec suavité. La somptuosité de leur interprétation enrichit le dialogue avec le timbre si troublant et envoûtant de la Mezzo-soprano Alice Habellion. La voix appelle au recueillement. Elle est charnelle et pourtant si lumineuse, puissante et si bouleversante. Elle semble comme habitée par cette passion mystique. Ainsi des Lamentations pour le Samedi Saint de Francisco Soler, au psaume "Super Flumina Babylonis", au Stabat Mater Dolorosa de Giovanni Felica Sances, elle nous donne une interprétation unique, poignante et intime. Ses aigus déchirants, ses graves profonds et pourtant si sensuels, nous hypnotisent, nous captivent et nous permettent de traverser cette nuit qui lorsqu'elle se referme, ouvre à la lumière éternelle promise.

Ce premier Cd est une très belle réussite. Ces interprètes y expriment avec une sensibilité rare, tout ce qui dans la musique de la Contre-Réforme, peut expliquer par sa beauté, ainsi rendue, ce qui a permis a beaucoup d'hommes et de femmes au XVIIe siècle de trouver du réconfort  en se laissant séduire par la beauté du diable ou de l'ange. Elle leur permettait ainsi d'affronter une vie pleine de doutes et d'angoisses et une mort si froide et solitaire. Par ailleurs le répertoire que l'ensemble In Musica Veritas vous propose est d'une telle rareté qu'il ne peut que vous séduire. Enfin la prise de son est une réussite. Parfaitement équilibrée, elle offre aux musiciens, un moelleux, où la lumière et l'encens, semblent porter l'esprit de la musique au-delà de la conscience. 

 

Par Monique Parmentier 

In Musica Veritas - Direction et orgue : Pierre Gallon, Alice Habellion, mezzo-soprano

1 CD Ad Vitam records -

Durée : 60'56" - Enregistré au Temple de l'Eglise réformée de Limoges du 1er au 4 mars 2011

 

Copyright : Kunsthistorisches Museum, Vienne pour le Couronnement d'Epines du Caravage

 

Pour vous procurer ce CD n'hésitez pas à vous rendre sur le site du label Advitam Records

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