Mare Nostrum : Entre terre et mer, entre guerre et paix, la Méditerranée pour cultiver l'espérance
Voici donc le dernier livre disque d'Alia Vox auquel Montserrat Figueras aura apporté plus que sa voix, son espérance et sa générosité.
Entre Orient et Occident, la Méditerranée, la Mare Nostrum des romains (Notre mère...), cultive ses différences et s'en enrichi.
Le bassin méditerranéen a vu naître les plus flamboyantes civilisations. À sa géologie bouillonnante et tourmentée, répond chez les hommes une volonté d'en découdre et de se faire la guerre pour des motifs si futiles que l'on se demande parfois, si la soif de pouvoir et de domination des uns et des autres pourra être étanchée. Ainsi pour mieux anéantir le voisin, les sciences n'auront jamais vu leurs découvertes se tarir. Mais par ailleurs - et c'est peut-être ce qu'il y a de plus frappant -, une porte ouverte sur l'espérance naît de ces cultures qui semblent issues de la guerre. Toutes ces civilisations ont trouvé des poètes, des artistes, des philosophes, des artisans, des compositeurs pour exprimer les joies et tourments que tous ont en commun et partagé dans la fête ou le deuil, ces sentiments qui nous animent et nous font vivre.
Le programme qu'a conçu Jordi Savall avec son épouse, est un flot de lumière, un pont entre des civilisations, un miroir poli par l'ardeur et la passion de ces femmes et hommes de paix, une plume humaniste qui calligraphie les contours de la Méditerranée en compagnie de musiciens issus de ses principales cultures.
D'une histoire riche, la musique a su tirer parti et Jordi Savall en a retrouvé la substantifique moelle en un ouvrage dont la richesse visuelle et auditive égale la beauté des sentiments qu'elle nous transmet.
Le Livre CD, traduit en 10 langues retrace la splendeur de ces mondes anciens et modernes où se côtoient les diversités. Il fait appel à des textes d'auteurs renommés comme l'extrait de la Méditerranée de Fernand Braudel ou de l'Etincelle, Révoltes dans les Pays Arabes de Tahar Ben Jelloun ou à des textes tout spécialement écrits pour l'occasion. La présentation différente et soignée des deux CD, entre joyau mérovingien et motifs de poterie grecque aux figurines jaunes sur fond noir fait de la musique un bijou exceptionnel, issu des arts du feu.
Cette musique aux mille couleurs, issue de cette marmite du diable, est merveilleusement servie par des musiciens qui ont su faire fi des idées reçues et des peurs ancestrales pour mieux partager leurs différences et les unir en un récital envoûtant, aux parfums de rose et d'oranger. Leur palette allie avec subtilité des nuances infinies, où parfois s'entrechoquent des couleurs plus affirmées. C’est une invitation à un voyage hors du temps, à la découverte de ces horizons lointains aux reflets de soie, au goût d'épices variées, fortes, amères, douces ou sucrées... De la poudre d’or parsème les chemins des caravanes chamalières, tandis que l’azur du lapis-lazuli de l’horizon marin et des cœurs, se transforme au gré des vents en couleurs multiples : du vert émeraude au bleu turquoise ou dans un dégradé de gris où se fondent nos larmes. Musiciens et chanteurs nous guident dans ce dialogue des âmes. Aucune religion ne prend ainsi le dessus sur l'autre. Tout ici est écoute de l'autre, chant avec l'autre, danse avec l'autre ; chacun tentant d'étancher sa soif de connaissance au contact de l'autre, de l'étranger, pour mieux vivre ensemble.
Un double album indispensable pour découvrir que rien n'est jamais acquis et surtout pas la paix et que chaque note que porte le Mistral, la Bora, le Khamsin... est une rose qui murmure l'amour de l'autre. Comme Montserrat Figueras dans Duerme mi niña accompagnée par une guitare et une viole de gambe au rythme obsédant, ou dans la bouleversante berceuse Noumi Noumi, déjà enregistrée avec sa fille Ariana et qu'ici elle interprète avec le chanteur Israélien, Lior Elmaleh.
Le charme des instruments et tout particulièrement des flûtes, des violes, des percussions et de l'oud qui enivrent, donneront aux rêves le goût du réel. Leur magie vous donnera le sentiment poignant de voir le temps se transformer, s'arrêter, puis virevolter, tendrement pleurer, puis rire, puis sourire et puis mourir comme dans El cants dels Ancels, un chant traditionnel de Catalogne, ici interprété uniquement par des musiciens, dont Pedro Memelsdorff à la flûte au murmure caressant et Andrew Lawrence-King à la arpa doppia dont les doigts enchantés nous permettent de nous désaltérer en cette oasis de paix qu’est devenue grâce à eux la Mare Nostrum.
Par Monique Parmentier
2 CD Alia Vox 2011 (AVSA 9888 A+B)
Parce que je ne dispose pas d'un extrait de Mare Nostrum, je vous offre cette magnifique berçeuse chantée avec Arianna. Montserrat était une de mes deux voix de coeur... Elle seule (avec Claire Lefilliâtre par ailleurs) savait apaiser mon coeur en quête d'harmonie. Merci Montserrat
CD Ramée : Amour, viens animer ma voix !
Amour, viens animer ma voix !
Hugo Oliveira – Ludovice Ensemble
Le charme de la cantate profane
Le grand soin apporté par Ramée à ses choix éditoriaux est ici une fois de plus confirmé. Le programme que nous propose le Ludovice Ensemble est rare (deux compositeurs, Louis – Antoine Dornel et Philippe Courbois étant totalement méconnus), précieux et sans être bouleversant n'en est pas moins charmant et intéressant à plus d'un titre.
Si l'on peut regretter ce besoin d'utiliser l'expression « historiquement informé » comme un label qui ferait foi de la qualité du travail réalisé, par le rédacteur du livret, chef de ce jeune ensemble portugais, Fernando Miguel Jalôto, il n'en reste pas moins que sa proposition artistique basée sur l'usage du français restitué par le baryton-basse Hugo Oliveira contribue à nous séduire à l'écoute de ce CD.
Cet album nous invite à la «découverte » toute relative, d'un genre qui vit le jour à la toute fin du XVIIe siècle, succédant à l'air de cour passé de mode :la cantate profane. Loisir aristocratique, la musique de chambre et de concert quitte la cour pour les salons parisiens et des salles de concert ouvertes au public, comme le Concert Spirituel. La cour s'est alors repliée sur elle-même, nous sommes à la fin du règne de Louis XIV. En proie à des deuils successifs et à un retour vers la religion du souverain, dans une France que guerres et famines ravagent, Versailles n'est plus que l'ombre du Soleil. C'est alors Paris qui prend la relève de la vie en société.
La noblesse et la haute – bourgeoisie viennent apporter une nouvelle forme de mécénat musical qui permet à la musique d'atteindre un plus grand public. C'est tout particulièrement le futur Régent, Philippe d'Orléans qui par son soutien à des artistes tel que Jean-Baptiste Stuck, un des grands représentant de la cantate profane, favorisa la créativité musique.
Les Lunaisiens en 2006, nous avait permis de découvrir dans un très bel enregistrement chez Alpha, ce compositeur, violoncelliste virtuose, d'origine autrichienne né en Italie qui arriva en France en 1705 et y connut un grand succès.
Mais c'est à d'autres compositeurs de cette période que Le Ludovice ensemble s'intéresse nous proposant trois concerts d'Antoine Dornel et trois cantates de trois compositeurs, deux sont particulièrement bien connus : André Campra avec le Jaloux, Louis-Nicolas Clérambault, avec Pygmalion. Le troisième Philippe Courbois, dont on ne connait qu'un livre de cantates publié en 1710, semble avoir eu une vie très courte, mais son Orphée ici représenté, possède une aria avec trompette solo particulièrement rare et brillante. Dans un répertoire qui serait riche de plus 800 œuvres, celles proposées ici illustrent particulièrement bien la variété du genre.
Cette musique fait immanquablement penser aux tableaux de François Boucher ou bien à cette robe qui orne le livret du CD... Ses couleurs pastel, en quête des « goûts réunis » sont ici fort bien rendues. Toute de grâce, pétillante comme du champagne, chantant l'amour comme un joyeux divertissement, où la souffrance des sentiments y est un art d'aimer plus frivole que tragique et où les dieux, si humains dans leurs émotions, ornent de nonchalance ces tableaux musicaux tendres et sans amertume, parfois un brin cynique.
Le dialogue entre instruments et avec le chanteur est ici élégant mais parfois un peu trop sage, manquant de brillant et parfois un peu trop appuyé. On remarque particulièrement, la flûte et le théorbe élégiaques. La déclamation de Hugo d'Oliveira, bien que travaillée avec Louise Moaty (qui était déjà aux côtés des Lunaisiens en 2006), est soignée mais manque encore de souplesse . L'interprétation d'ensemble est donc un brin trop appliquée et nous aimerions parfois trouver dans ce badinage amoureux un léger soupçon d'ardeur supplémentaire et une légèreté plus bucolique. C'est donc un très joli disque qui viendra compléter fort heureusement votre collection de cantates profanes.
Par Monique
1 CD Ramée – RAM1107
Durée : 76'46''
Pour acheter ces CD rendez-vous sur le site Outhere :
http://www.outhere-music.com/store-RAM_1107
http://www.outhere-music.com/store-Alpha_111
Egisto : un rêve vénitien
Après le Bourgeois Gentilhomme en 2006 et Cadmus et Hermione en 2008, Vincent Dumestre et Benjamin Lazar nous reviennent avec une nouvelle production Egisto de Francesco Cavalli.
© Guy Vivien
Le 1er février, l'Opéra Comique donnera la première de ce nouveau spectacle, affirmant ainsi son soutien à la création dans toute sa diversité "classique" et à la troupe qui il y a trois ans et demi, nous avait enchantée dans la redécouverte de la première tragédie Lyrique de Jean-Baptiste Lully. Il s'agit aujourd'hui d'un opéra vénitien, qui fit le succès de son compositeur et du théâtre vénitien qui l'hébergea en 1643.
Le Sommeil vous invite à vous abandonner à ces songes éphémères qui vous enchanteront, au risque de sombrer dans la Folie: © BNF
Cet opéra figure parmi les premiers d'un nouveau genre, l'opéra public. Car c'est Venise, qu'a été inventé l'opéra tel que nous le connaisons. Pour la première fois s'ouvrent à un public payant des salles où sont produits des spectacles alliant musique et théâtre, accompagnés de décors et de machineries complexes. Ce qui jusqu'alors était réservé à l'élite des cours florentines et mantouanes, devient ainsi un plaisir populaire. Les différents théâtres deviennent des lieux où l'on se retrouve pour des instants de plaisirs que l'on partage avec passion.
Egisto voit le jour au Teatro San Cassiano Nuovo dans la Cité des Doges. Un premier théâtre construit en 1581 (en bois bien évidemment ) fut détruit par un incendie. Jusqu'à sa destruction il servit au théâtre de prose. Tel le phénix (et la Fenice), il put renaître. Mais cette fois, ses propriétaires, les Tron, optèrent pour la pierre, d'où l'épithète de "Nuovo". Cette nouvelle salle fut inaugurée en 1636 avec une Andromeda que l'on doit au poète et musicien Benedetto Ferrari et au compositeur Francesco Manelli. Elle connut un tel succès, que les Tron s'associèrent à Francesco Cavalli, alors un jeune compositeur prometteur, pour la création d'Egisto et ce fut un succès.
© BNF Décors de Giacomo Torelli pour Andromède à Paris
Si vous allez à Venise vous ne verrez plus le théâtre San Cassiano... Il a disparu, tout comme d'ailleurs l'ensemble des autres salles qui firent les beaux jours, de ces opéras que le public vénitien avait pourtant idôlatré. Il ne reste aucune image précise du San Cassiano. Juste quelques plans... Sur son emplacement, un jardin vous accueille désormais, invitant votre imagination à le recréer.
Quant à la Venise baroque... c'est peut être justement dans sa musique que nous pouvons vraiment la percevoir, vibrante, colorée, libre, curieuse. Cavalli était un vénitien amoureux de sa cité et des rêves qui avaient porté bien au-delà des horizons, ses habitants pendant des décennies. Mais à l'heure où Cavalli compose Egisto, Venise entame inexorablement sa lente décadence. La musique et les arts en sont ses derniers feux.
Egisto est un une Favola dramatica musicale.
Elle fut donc composée par Francesco Cavalli.
Lorsque ce dernier naquit à Crema (ville d'une province vénitienne de la Terra Ferma), il s'appelait en fait Pier Francesco Caletti Bruni. Il était le troisième des neufs enfants du Maestro di Capella de cette ville : Battista Calleti. Baptisé le 14 février 1602, il reçu probablement de son père sa première formation musicale. Il fut remarqué par le gouverneur de Crema Federico de Cavalli, pour ses talents de jeune chanteur. Ce dernier l'emmena avec lui à Venise en 1616.
Par la suite, par gratitude Francesco en prendra le nom comme pseudonyme et dans la cité des Doges, il aura pour maître Claudio Monteverdi.
On a longtemps cru que fort de son succès, Egisto qui connu une tournée dans toute l'Italie (Rome, Florence, Gênes...) avait également bénéficié d'une représentation exceptionnelle, en 1646, au Palais Royal à Paris devant Anne d'Autriche et Mazarin, à l'invitation de ce dernier.
On sait depuis peu que ce n'est pas le cas. C'est en fait le premier biographe de Cavalli, au début du XXe siècle, le grand musicologue français Henry Prunières (1886 - 1942), qui interpréta certaines sources de manière erronée (voir son Cavalli et l'Opéra vénitien). Grâce au travail de Barbara Nestola (musicologue italienne rattachée au Cmbv) on sait désormais qu'il s'agissait en fait d'un opéra romain de Marco Marazzoli et Virgilio Mazzocchi sur un livret du Cardinal Giulio Rospigliosi, portant en sous-titre "Chi Soffre, speri" (Qui souffre espère) repris récemment par Jérôme Corréas et les Paladins.
© Didier Saulnier
Ce n'est donc que plus tard, en 1660, au moment du mariage de Louis XIV que Cavalli séjournera en France pour y donner une adaptation de son Xerxe (devenant Xerxès) et y créer Ercole Amante.
Le livret d'Egisto est dû à Giovanni Faustini (1615 - 1651). Sa collaboration avec Cavalli dura une dizaine d'années, commençant en 1642 avec la Virtù de’ strali d’Amore et se terminant avec le décès du librettiste. Cet avocat était le fils de la soeur du Titien, Isabetta Vecelio et d'Angelo Faustini. Il fut également impresario et libretiste de différents théâtre à Venise. Il écrivit plusieurs livrets pour Cavalli, dont celui de Calisto. (l'opéra de Cavalli le plus donné depuis la redécouverte du compositeur dans les salles du monde entier). La collaboration entre Cavalli et Faustini représente un moment crucial dans l'histoire de l'opéra, puisque ce sont eux qui ont défini les codes de l'opéra vénitien. Faustini se révèle particulièrement attentif aussi bien à la musique qu'à la dramaturgie.
Ces codes sont simples : trois actes où se joue une double histoire d'amour, où l'on retrouve une scène du sommeil, des personnages d'origine plus ou moins mythologique (issus bien souvent des Métamorphoses d'Ovide, comme dans Calisto) - ce qui n'est pas le cas dans l'Egisto où les personnages semblent issus d'une tradition pastorale provenant de sources multiples - et enfin une fin heureuse obligatoire.
Dans certains livrets de Faustini, un détail peut permettre de mieux les analyser, ce sont les excuses qu'il adresse à ses lecteurs dans une courte introduction qui n'est pas sans faire penser à celles qu'adresse Puck à la fin du Songe d'une nuit d'été de Shakespeare.
Il y cite comme pour Egisto ses sources : "L’episodio d’Amore che vola a caso nella selva de’ mirti dell’Orebo [II, IX-X], ove lo prendono quelle Eroide ch’uscirono per amore miseramente di vita, quali lo vogliono far perire di quella morte ch’egli fece loro morire, ti confesso d’averlo tolto d’Ausonio con quella licenza ch’usarono i poeti latini di togliere l’invenzioni da’ greci per vestire le loro favole ed i loro epici componimenti."
On y découvre ainsi cette culture raffinée des cercles littéraires de la Venise du début du XVIIe siècle, héritière de la culture humaniste du XVIe siècle. Le poète dont il est question dans cette introduction, écrivit un poème sur Cupidon "Cupido cruciatus" pour l'empereur Valentinien (vers l'an 370). Mais il y a d'autres influences possibles pour Egisto comme l'Adone de Giovan Battista Marino (dont on reparlera prochainement pour la Catena d'Adone, que Scherzi Musicali vient d'enregistrer) ou Francesco Colonna et son Songe de Poliphile écrit au XVe siècle.
Dans la mythologie grecque Egisthe est le fruit d'un inceste entre un prince et sa fille, tandis que Faustini en fait dans Egisto l'arrière petit-fils d'Apollon.
©Pierre Grosbois
Que nous conte L'Egisto de Cavalli/Faustini ?
Deux couples Egisto/Clori et Lidio/Climène voient leur fidélité mise à l'épreuve. Egisto et Clori qui s'aiment, ainsi que Climène promise à Lidio ont été enlevés par des pirates et séparés. L'action se déroule sur l'île de Zakynthos où Egisto et Climène viennent s'échouer après avoir pu échapper à leurs ravisseurs. Ils retrouvent Clori et Lidio qui entre temps sont tombés amoureux l'un de l'autre.
Comme nous l'annonce le programme "travestissements, rapts, menaces, illusions, démence : les puissances de l’imaginaire troublent les cœurs des passions les plus extrêmes". Et si ici l'amour est un jeu cruel, fruit des dieux, la poésie des affects est traitée avec subtilité. La jalousie est le nectar des furies mais c'est bien l'Amour qui finit par triompher.
Benjamin Lazar entouré de toute une équipe qui l'a accompagné sur les précédentes réalisation du Poème Harmonique - Alain Blanchot aux costumes, Adeline Caron aux décors, Christophe Naillet aux lumières et Mathilde Benmoussa aux maquillage et coiffures - devrait être dans son élément. Gestuelle, prosodie et éclairage à la bougie peuvent offrir à cette production d'Egisto, une dimension à l'onirisme baroque envoutante. Il est certainement aujourd'hui le metteur en scène le plus proche dans l'esprit du "Grand Sorcier", surnom de Giacomo Torelli (1608-1678), qui a "mis en scène" plusieurs des spectacles de Cavalli.
Quant à la partition, il en existe une à Vienne et une autre à Venise dans une collection privée, nécessitant forcément une reconstitution, ce qu'a réalisé le maître d'oeuvre du projet, Vincent Dumestre.
Alors, tel Orphée, avec le Poème Harmonique pour lyre, saura-t-il nous transporter vers les rivages de cette Grèce rêvée où la nuit les songes trompeurs peuvent conduire de la Folie à l'Harmonie ? Au vue de toutes les précédentes productions du Poème Harmonique, nous n'avons aucune raison d'en douter. Rendez-vous est pris pour 6 représentations à partir du 1er février à l'Opéra Comique à Paris, qui seront suivis de 3 représentations à l'Opéra de Rouen les 16, 17 et 19 février.
Orphée © BNF
La distribution :
Egisto, Marc Mauillon
Lidio, Anders Dahlin
Clori, Claire Lefilliâtre
Climene, Isabelle Druet
Hipparco, Cyril Auvity
Aurora, Amore, Ana Quintans
Didone, Voluptia, Luciana Mancini
La Notte, Dema, Serge Goubioud
Apollo, David Tricou
http://www.lepoemeharmonique.fr/#/fr
http://www.opera-comique.com/
http://www.operaderouen.fr/#flash
Sources : Henry Prunières pour sa Vie de Francesco Cavalli et Cavalli et l'Opéra Vénitien ; Olivier Lexa, Venise l'éveil baroque chez Karéline, Denis Morrier pour son article dans l'Avant Scène "Pier Francesco Caletti Bruni", dans le numéro consacrée à Calisto ; Note du programme Egisto, Chi Soffre Speri, donné par les Paladins dans le cadre des Festivals de Royaumont/Pontoise et au Théâtre de l'Athénée à Paris ; Actes du Colloque " L'invenzione scenica nell'Europa baroca" en italien consacré à Giacomo Torelli en 2000 ; Thèse en italien de doctarat de Nicola Badolato "I drammi musicali di Giovanni Faustini" per Francesco Cavalli à l'Université de Bologne.
Illustrations : photographies de l'Opéra Comique publiées avec leur aimable autorisation. Du livret des Fêtes de Bachus qui se trouve à la BNF faite par mes soins, du Poème Harmonique et des Paladins avec copyright indiqué sous les photos.
Par Monique Parmentier
Egisto à l'Opéra Comique
Nous sommes nombreux à attendre cette nouvelle production du Poème Harmonique. Après le Bourgeois Gentilhomme et Cadmus et Hermione et la musique de Lully, c'est donc avec celle d'un de ses contemporains que cet ensemble nous revient : Francisco Cavalli, de son vrai nom Pier Francesco Caletti Bruni.
Mais ce n'est pas la musique qui nous en arrive en premier, mais des images, celles des dessins de certains des costumes réalisés par Alain Blanchot, qui déjà habilla les précédents spectacles du Poème Harmonique. Avec l'aimable autorisation de l'Opéra Comique je publie donc certaines de ces photos, tout en préparant un dossier plus complet sur cet Egisto, où la Folie ici ne sera plus un simple sujet d'amusement, mais bien traitée comme une souffrance maladive à part entière... La musique venant guérir les plaies du coeur et de l'âme, cette mélancolie amoureuse qui nous touche si profondément.
D'autres photos des costumes et illustrations suivront dans mon dossier.
Puisse cette courte introduction en image vous donner envie de découvrir, cette très belle production que nous offre l'Opéra Comique. N'hésitez pas à pousser la porte du théâtre, le merveilleux baroque vous invite à retrouver cette atmosphère unique où la vie moderne et ses tracas s'effacent le temps d'un Songe
Que l'ensemble des coproducteurs de ce spectacle, l'Opéra Comique, l'Opéra de Rouen-Haute Normandie, Les Théâtres de la ville de Luxembourg et Le Poème Harmonique en soient remerciés. Grâce à eux Egisto et Clori, comme avant Cadmus et Hermione permettront à l'Harmonie de régner sur nos coeurs
La sensualité de la flûte
Hasard des sorties 2 CD sortent pratiquement en même temps qui nous permettent de découvrir l'aube de la flûte traversière soliste... Un instrument qui en ce début du XVIIIe siècle connaît des améliorations qui lui permettent de varier les tons. Je consacrerais un dossier prochainement à cela, en attendant, avant de vous inviter à découvrir un CD de cantates et symphonies françaises sortant chez Ramée, voici celui d'une flûtiste dont le talent nous a déjà plus d'une fois charmé.
Flute Sonatas of Johann Sebastian Bach (Volume 1)
– Dirk Boerner – Sarah van Cornewal
La sensualité de la flûte
Quelle bonheur que de retrouver une artiste que nous sommes nombreux à connaître dans le cadre de sa collaboration avec l'ensemble Café Zimmermann. Elle a ainsi collaboré à l'intégrale des albums des Concerts à plusieurs instruments de Bach dont ils viennent d'achever l'enregistrement chez Alpha. Mais ici, c'est pour le label MA Recordings, en compagnie de deux autres artistes – le claveciniste, Dirk Boerner et la flûtiste Sara van Cornewal -, que nous la retrouvons, dans un programme qui nous montre combien le Cantor a favorisé l'épanouissement de la flûte en tant qu'instrument soliste. Les trois amis, complices depuis fort longtemps, nous font partager leur bonheur à interpréter ses œuvres déjà bien souvent enregistrées. Ici tout est grâce et virtuosité, convivialité et élégance.
Comme on nous l'explique dans le livret, c'est à l'aube du XVIIIe siècle que pour la première fois les flûtistes se voient offrir des pièces musicales qui leur sont exclusivement réservées alors que jusqu'alors ils étaient bien souvent cantonnés à la base continue et devaient adapter des œuvres destinées à d'autres instruments pour offrir des concerts. Cela nous le devons à des améliorations techniques et à des virtuoses compositeurs et instrumentistes souhaitant donner à leur instrument toute ses lettres de noblesse. La partita BWV 1013 et les trois sonates de Bach (BWV 1030, 1034 et 1039), montrent toutes les richesses que le Cantor su trouver, pour faire de la flûte traversière un instrument digne des rois.
Tout en douceur et en sensualité, Diana Baroni nous séduit par sa sensibilité. Aucune difficulté technique ne semble la brider (il n'est que de l'entendre dans l'Allemande de la Partita), le souffle est long, elle phrase avec subtilité un discours pour le moins séduisant. Ses dialogues avec le claveciniste Dirk Boerner et la flûtiste Sarah van Cornewal dans les sonates, nous touchent par leur complicité qui nous restitue cette ambiance si particulière des concerts entre amis du Café Zimmermann. Et s'il manque parfois un peu de fantaisie dans l'interprétation, tout particulièrement dans la Sonate BWV 1030, ce premier enregistrement séduit par ses qualités humaines, qui émanent d'une interprétation généreuse et rigoureuse. La prise de son suave et un livret très bien rédigé et riche par son contenu sont deux autres qualités de ce CD.
Par Monique Parmentier
1 CD m.a recording
Durée : 57'50''
Les derniers feux de l'école de luth français
Le disque qui sort ce mois ci chez Ramée d'Anthony Bailes est l'occasion d'évoquer les derniers représentants de l'école du luth française, qui font l'objet de cet enregistrement.
Celui auquel avec beaucoup de tendresse Anthony Bailes semble dédier ce CD : Charles Mouton (1617 - ca 1699) a longtemps été considéré comme trop académique, manquant de poésie. Pourtant il fut extrêmement apprécié, voir aimé de son vivant.
Nous avons la chance d'en avoir un portrait réalisé par le peintre François de Troy.
Ce très beau portrait actuellement au Musée du Louvre fit également l'objet d'une gravure (cette dernière étant finement analysée dans le livret par notre interprète) réalisée par Gérard Edelinck dont la fille fut une élève du compositeur. Et la dédicace qui l'accompagne nous en dit lont sur l'opinion de ses contemporains :
Cher Mouton a te voir si bien représenté
Par des charmes secrets je me laisse surprendre
Je suis de ton portrait doublement enchanté
Je te vois et je crois t'entendre
Notons que sur ce portrait Charles Mouton joue un luth à 11 choeurs de forme allongée, avec 9 frettes nouées sur le manche et une place pour une 10e à la jonction avec la caisse. Et l'on peut souligner également la position caractéristique de la main droite, avec le petit doigt posé à l'avant du chevalet, en accord avec les recommandations savantes.
Voici ci-contre le seul luth à 11 choeurs, aujourd'hui conservé à Paris, ayant jusqu'à nous traversé les aléas du temps et qui aurait pu servir de modèle à ce tableau. Il est de facture française. Il a fait partie de la production importante d’instruments neufs émanant des ateliers parisiens. il fut réalisé par Jean Desmoulins un des luthiers parisiens les plus importants du XVIIe siècle. Ces instruments au profil caractéristique, étaient très réputés et recherchés.
Charles Mouton fut l'élève d'Ennemont Gaultier (1575-1651) l'un des plus grands maîtres de l'école du luth française.Si Charles Mouton semble n'avoir tenu aucune fonction officielle à la Cour de France, il fit un cours passage à la cour de Savoie, puis s'installa à Paris où il était l'invité des cercles littéraires, se produisant fréquemment dans les salons de l'époque. il fut également un professeur recherché, comme le prouve bien sûr la dédicace d'Edelinck, mais aussi par le nombre de ses élèves venant de toute l'Europe pour bénéficier de son tutorat.
Il sut au-delà de la reconnaissance formelle à son maître, créer un style propre, dont Anthony Bailes se plait à nous parler dans le livret et dont l'interprétation nous semble si délicate . Un style moins "émotionnel", plus classique, en conformité avec les goûts de la fin du règne de Louis XIV. Mais qui au-delà des apparences, évoque une mélancolie raffinée aux harmonies délicates et aux ornementations soignées.
Il publia vers 1680, des Pièces de Luth sous différents modes dont 2 copies sont connues et des pièces éparses. Je vous invite à en visionner la tablature à l'adresse suivante :
http://musicontempo.free.fr/mouton_tablatures.pdf
Anthony Bailes parvient par son talent à effacer ainsi l'image conformiste de ce compositeur.
Si aujourd'hui on connait (ou reconnait mieux) les compositions des différents membre de la famille Gallot, dont deux sont représentés sur ce CD c'est en partie grâce à une source précieuse : René Milleran, l'interprète de Louis XIV, grammairien et professeur d'anglais et d'allemand, élève de Charles Mouton.
Jacques Le Gallot (ca 1625 - c. 1690), connu sous le nom du "vieux Gallot de Paris" occupe ici une place qui lui revient d'autant plus que son oeuvre innovante et finement ornée, est d'une envoûtante beauté. Il est l'oncle de Pierre Gallot
(c. 1660 - après 1715) qui figure également au programme d'Anthony Bailes. Jacques le Gallot fut également l'élève d'Ennemont Gaultier après avoir commencé l'étude de cet instrument avec son père, Antoine qui assura une charge de Luthiste auprès de la Chapelle des Rois de Pologne Sigismond III et Ladislas IV. Il composa des portraits musicaux qui firent sa renommée (La Fontange, la Montespan,...), ainsi que des Tombeaux (dont figure dans le CD d'Anthony Bailes celui de M. Le Prince de Condé). il publia aux environs de 1684 ces Pièces de luth composées sur différents modes qui débute par un bref traité sur le jeu de cet instrument avec des schémas montrant la manière de réaliser les doigtés et certains ornements (tremblement, martellement, chute ou tombé). A sa mort Robert de Visée composa son Tombeau.
Pierre Gallot quant à lui est donc le fils du frère de Jacques Le Gallot, Alexandre. Il est souvent désigné dans les manuscrits de l'époque comme étant "Gallot le jeune" ou le "Gallot de Paris". Il fut un virtuose dont les compositions firent le tour de l'Europe au tournant des deux siècles. Ces compositions sont souvent des arrangements (ce qui jusqu'alors était extrêmement mal perçu, puisque les compositions pour luth devait normalement être exclussivement réservées à cet instrument, mais que Charles Mouton avant lui avait déjà pratiqué), de la musique des ballets comme cette chaconne d'Atys qui figure dans l'enregistrement d'Anthony Bailes. Il fut enfin également un professeur renommé.
Dans une discographie qu'Hopkinson Smith survole toujours, ce nouveau disque d'Anthony Bailes est une invitation à la découverte d'un monde où le temps se fige et vous soulage.
Monique Parmentier
Source : Le livret rédigé par Anthony Bailes pour Ramée et différents ouvrages où sont évoqués les compositeurs.
Illustration : La pochette du Cd chez Ramée. Un portrait de Charles Mouton par François de Troy au Musée du Louvre, Le concert par Gerrit Van Honthors à la National Gallery of Ireland (à Dublin), le Luth par Hans Holbein le jeune (fragment du tableau les Ambassadeurs français à la cour Anglaise) à la National Gallery de Londres
Une douceur violente : élégance et raffinement du luth
Une douceur violente
Jacques de Gallot – Pierre Gallot – Charles Mouton
Anthony Bailes, luth
Elégance et raffinement
Ici tout n'est que charme et distinction. Autour de trois compositeurs majeurs pour le luth français, Anthony Bailes, luthiste anglais, nous propose un programme d'œuvres connues car déjà maintes fois enregistrées, mais dont la poésie raffinée nous touche toujours autant par sa mélancolique beauté. Si l'interprète manque parfois un peu de fantaisie et est un brin trop classique, ce qui sied parfaitement aux pièces de Charles Mouton et moins à celles des Gallot, il parvient avec cette élégance « so british » à nous emporter dans une tendre rêverie bien agréable par les temps qui courent. Les disques de luth sont devenus trop rares pour bouder notre plaisir. Le livret extrêmement soigné permet de bien appréhender cette fin du XVIIe siècle, lorsque la dernière école de luth française produisait de véritables joyaux, avant que de s'éteindre pour laisser la place au clavecin et aux grands orchestres. Ces œuvres de l'intime et de l'introspection invitent le voyageur musical insatiable que nous sommes, à prendre le temps de savourer l'instant. Le luth utilisé ici dispose de cordes en boyau non filées. La prise de son précise n'a pas gommé le léger grincement recherché, ni la respiration du musicien. Ici, avec un peu d'imagination nous sommes dans un de ces salons parisiens, dans la ruelle de Ninon de Lenclos ou de quelque autre dame, éclairé à la bougie, où les conversations se taisent tandis que l'un des trois compositeurs livre aux tendres complices ces pièces composés pour celle ou celui qui les savourent comme autant de poèmes galants ou de regrets de ces instants perdus. Une douce sensation s'empare de nous. Elle nous emporte loin de notre monde trop bruyant. Sans être aussi inspiré qu'Hopkinson Smith dans le même répertoire, Anthony Bailes réalise toutefois une très belle prestation.
Par Monique Parmentier
1 cd Ramée (RAM 1104) : 68'05''
Pour acheter ce CD : http://www.outhere-music.com/store-RAM_1104
Operia Omnia : le coeur de l’Ars subtilior

Précieux sont les CD qui rendent vivant un tableau, permettant à un univers aujourd’hui lointain et dont les codes sont bien souvent perdus sauf pour quelques érudits, de revivre dans toute son intensité. Cette intégrale des œuvres profanes et sacrées de Johannes Ciconia (c. 1370-1412), certes déjà enregistrées par d’autres ensembles, est une véritable merveille à recommander à tous. Jérôme Lejeune, patron du Label Ricercar, a sollicité pour la réaliser, deux ensembles spécialisés dans le répertoire médiéval, de grands talents : La Morra pour le versant profane et Diabalus in Musica pour le versant sacré du compositeur liégeois, qui a vécu en Italie la dernière partie de sa vie. Il concrétise ainsi, grâce à la complicité des artistes, le rêve de ses parents. Car sa mère réalisa une transcription moderne des œuvres de Ciconia en 1954 et son père édita en 1956 un premier livre sur les Van Eyck, peintre Liégeois, dont les tableaux (et tout particulièrement cette Vierge à l’Abbé Rollin qui orne le coffret) semblent le reflet (à moins que ce ne soit le contraire) de cette musique, qui marque l’apogée de l’Ars subtilior. Tous deux marquèrent une étape cruciale dans la redécouverte «contemporaine» de ces artistes.
Le livret remarquable qui accompagne cet enregistrement vous conviera à une véritable redécouverte d’un compositeur qui connut une célébrité qui permit à son œuvre d’arriver jusqu’à nous. Quant à l’interprétation - qui bénéficie dans les deux CD d’une prise de son naturelle qui équilibre harmonieusement voix et instruments - elle est tout simplement remarquable par la flamboyance de sa délicatesse. L’on aimerait citer tous les artistes qui y ont participé. Vocalement les timbres tant féminins que masculins pour les deux ensembles, s’unissent et se désunissent en des points d’équilibre sensibles et subtils. Les instrumentistes offrent des couleurs et des nuances entre splendeurs et suavité, limpidité et solennité.
Les compositions savantes, trouvent ici des interprètes qui savent faire vibrer la poésie raffinée du répertoire profane ou de circonstance du répertoire sacrée et où la musique devient la quintessence du verbe. Ils nous font vivre et ressentir cette intime émotion, ces instants où le temps suspend son vol.
Monique Parmentier
2 CD Ricercar. 2 h 31
Sonates et partitas : la plus belle des offrandes musicales
Après une version stupéfiante d’imagination et de délicatesse des 4 saisons de Vivaldi avec son ensemble Gli Incogniti, cette fois Amandine Beyer aborde seule des œuvres incontourrnables et déjà tant de fois enregistrées : les sonates et partitas de Bach pour violon solo. Mais elle nous en offre ici plus qu’une version de référence, un instant d’une incandescence fulgurante et d’une générosité sans pareille.
Avec Amandine Beyer, Bach n’est pas seulement un compositeur génial mais un être humain, un ami qui nous parle. La technique est tellement maîtrisée (quelles admirables doubles cordes !) qu’elle en est transcendée et devient juste un élément du discours, de la parole d’un poète dont l’universalité est ici révélée dans toute son humanité.
Vous réécouterez à l’infini ces sonates et partitas telle que nous en fait don Amandine Beyer. Son geste à fleur de peau nous conduit vers des univers sensibles et mélancoliques. L’archet y danse, y tournoie en une virtuosité grisante, chatoyante et intense. Il rie, pleure, palpite et chante. Il semble caresser la lumière, jouer avec les ombres qui surgissent, pour mieux les éloigner. Ce double CD est pure merveille. La prise de son souple et aérée et nous révèle avec clarté la richesse de la polyphonie. Et le livret intelligent et soigné vous révèlera combien les liens entre Bach et Pisendel, violoniste virtuose, explique sa présence au – côté des œuvres du Kantor sur cet enregistrement.
S’il y a un CD à vous procurer en cette rentrée c’est celui – ci. Il est si inoubliable qu’il vous accompagnera longtemps, très longtemps Sei Solo.
Monique Parmentier
J.S. Bach - Pisendel
Amandine Beyer au Violon
2 CD ZZT Durée : 79’52’’ et 71’40’’