Instant magique

Je découvre bouleversé que la Fondation Yehudi Menuhin a repris un de mes articles en 2017, se donnant la peine de le traduire en anglais.
Cette fondation qui maintient la mémoire d'un artiste qui m'a tant fait rêvé enfant ne pouvait pas me faire bien plus et mieux qu'un honneur, me permettre de dire ainsi merci à ce grand monsieur :
http://www.menuhin-foundation.com/…/Yehudi-Newsletter-March…
Alongside Jordi Savall, there will be Waed Bouhassoun, accompanying himself on the oud, and Moslem Rahal, a virtuoso Syrian flautist (on a ney) as well as other singers and musicians whose instruments are all of Mediterranean and/or eastern origin. Morocco, Italy, Israel, Lebanon and Turkey are thus brought together to share with us the most beautiful values. We are strangely bewitched while listening to them. This music brings us back to the banks of the Euphrates river in those spellbinding, lost or still vibrant cities − Damascus, Bagdad, Alep... Mari or Babylon − where our origins lay. (Monique Parmentier)
Ibn Battuta : Mémoire, miroir des rêves

La nouvelle fresque musicale que nous propose en ce début d’année Jordi Savall chez Alia Vox, célèbre les retrouvailles avec un romanesque et fabuleux programme donné en deux parties, non seulement au festival musique & histoire de Fontfroide, où j’avais pu l’entendre, mais également au cours d’une tournée mondiale, commencée à Abu Dhabi en 2014.
Je vous ai donc déjà évoqué le monde onirique du Voyageur de l’Islam, Ibn Battuta, dont l’univers nous est ici conté. Ce dernier a laissé à la postérité le récit de ses voyages entrepris à la même époque que Marco Polo. Né en 1304, il répond d’abord à l’appel de sa foi profonde et entreprend son hajj en 1325. Mais très vite, il va céder à l’étrange étrangeté de l’appel de l’horizon et parcourir le monde connu, prenant note de toutes ses observations. Moins fantaisiste que le Livre des merveilles du Vénitien, le monde que parcourt d’Ibn Battuta n’en appelle pas moins à la rêverie, à l’émerveillement de l’extrême diversité des cultures et des paysages. Grâce au programme musical que le maestro catalan choisit pour illustrer cette nouvelle fresque musicale, on a tout au long de l’écoute de ce double CD, le sentiment d’apercevoir au-delà des mots, un songe humaniste.
Le coffret sortit en janvier 2019, bénéficie d’une superbe captation en « live », de deux concerts, l’un à Abu Dhabi en 2014 pour le premier CD et pour le second, à la Philharmonie de Paris en 2016.
Musiciens et récitants engendrent un sentiment envoûtant qui nous accompagne tout au long de l’écoute. L’arabe, langue du récitant pour le public d’Abu Dhabi, le Dr Habib Ghloum Al Attar, devient la voix d’Ibn Battuta provenant des confins du temps et de la mémoire du voyageur, à moins que ce ne soit celle du poète, Ibn Juzayy al-Kalbi, qui a compilé les récits du pèlerin devenu nomade. Tandis que Manuel Forcano déroule le temps de l’histoire dans le CD 1, dans le CD2, Bakary Sangaré, comédien français d’origine malienne, sociétaire de la Comédie française, déploie un univers fantasmagorique, où la réalité des mondes traversés s’imprègne de la poésie des mots et de la musique.

Entouré de musicien(ne)s et chanteurs venant des terres visitées par Ibn Battuta, ce voyage atteint une profondeur infinie. Que ce soit la Plainte grecque chantée par Katerina Papadopoulou, ou le poème chanté Talaa’al-badr ‘alcina par Ahmed Al Saabri, ou le chant d’amour Qays ib al-Moullawwah par Waed Bouhassoun, ou le chant torturé du croyant en quête d’absolu de Marc Mauillon, les complaintes tournoyantes des Ney de Moslem Rahal ou la plainte mélancolique du duduk de Haig Sarikouyoumdjian ou les Taqsim interprétés par Driss El Maloumi et Rajery, dans le CD1, tous nous transportent loin très loin. On se laisse séduire par l’émotion, celles du chemin de la clarté et de la vie. A aucun moment nous ne souhaitons interrompre ce voyage qui nous conduit vers des lointains fascinants et le CD2 nous permet de le poursuivre, amplifiant ce sentiment féérique d’un monde hors du monde, un foyer où règne l’harmonie.
Les cordes pincées des deux musiciennes chinoises dans le CD2, Lingling Yu au Pipa et Xin Liu au Zheng, élèvent l’esprit vers la lumière des étoiles, vers une nuit profonde et transfigurée, tandis que les percussions de Pedro Estevan et tablas de Prabhu Edouard semblent rythmer le pas des dromadaires, guidant sans cesse vers un ailleurs enivrant. Les oud de Driss El Maloumi, Yurdal Tokcan et de Waed Bouhassoun, le kanoun de Hakan Güngör, le Sarod du maître Daud Sadozai, les flûtes de Pierre Hamon font tournoyer jusqu’à l’exaltation, l’âme du voyageur.
La richesse des textes, fruit du travail de Manuel Forcano et Sergi Grau Torras, la beauté des illustrations, dont les superbes photos, prisent de nuit à l’abbaye de Fontfroide, d’Hervé Pouyfourcat, avec pour toile de fond ce décor exceptionnel et hors du temps que représente ce lieu, participent à la magie de ce coffret.
Ce Cd est comme un jardin d’Orient ou d’ailleurs, qui comme l’écrit Michel Foucauld est « une petite parcelle du monde qui englobe le monde dans sa totalité ». Y entrer, c’est vivre libre et libéré de toute contrainte, du poids de l’ordinaire et s’ouvrir à la beauté de la diversité. Jordi Savall y réussit une fois de plus à nous faire percevoir l’essence même de l’harmonie. Alors n’hésitez pas à le découvrir et à vous abandonner au merveilleux des mondes perdus qui ne demandent qu’à faire renaître la poésie et la luxuriance de la pluralité de la vie.
Interprètes CD 1 : Meral Azizoğlu, voie (Turquie) ; Waed Bouhassoun, voix & oud (Syrie) ; Driss El Maloumi (Maroc), voix & oud ; Ahmed Al Saabri voix (Abuzheng Dhabi) ; Marc Mauillon, voix (France) ; Katerina Papadopoulou, voix (Grèce).
Interprètes CD2 : Lluis Vilamajó, ténor (Barcelone) ; Furio Zanasi, baryton (Italie) Lingling Yu, pipa (Chine) ; Xin Liu, zheng (Chine) ; Waed Bouhassoun, voix & oud (Syrie) ; Driss El Maloumi, voix & oud (Maroc).
Musiciens d’Hespérion XXI d’Occident et d’Orient. Direction, Jordi Savall
2 CD ALIA VOX Durée du CD1 78’46 et du CD2 : 68’12. Livret : Français/Anglais/Castillan/Catalan/Allemand/Italien/arabe. Enregistrement réalisé à l’Auditorium de l’Emirates Palace à Abu Dhabi le 20 novembre 2014 pour le CD1, ainsi qu’à la Philarmonie de Paris/Cité de la musique le 4 novembre 2014 pour le CD2
Enregistrement, Montage et Masterisation SACD : Manuel Mohino (Arsaltis)
Par Monique Parmentier
Un peu de beauté dans un monde de brut

Après une journée sans poésie, confrontée à la médisance et la bêtise, comme aujourd’hui, il m’arrive en quête de beauté de me replonger dans mes photos... et de retomber sur ces instants parfaits qui comme ici après presque 5 ans sont toujours aussi vivants et vibrants.

Un après-midi parfait au château de Versailles. Et qu’importe alors la méchanceté, la médiocrité auxquelles j’ai été confrontée. La beauté efface tout. Et la Galerie des Glaces pour moi toute seule ou des Grandes eaux exceptionnelles destinées à un tournage, me rappellent ce que le mot « privilégié » peut vouloir vraiment dire, lorsque j’ai été là à cet instant précis où la féerie est devenue réalité. Et qu’importe la jalousie que cela peut provoquer, d’autant plus qu’aux yeux des jaloux, ils estiment que de tels privilèges n’auraient pas dû revenir à la fille du jardinier. Ces instants de beauté sont ce qui me protège de ce calvaire à vivre quotidiennement, ces instants de beauté et leurs souvenirs m’aident à vivre les difficultés et à conserver la certitude qu’il y en aura d’autres, n’en déplaise aux esprits chagrins.
Se souvenir à la nuit tombée des planchers qui craquent et des murmures fantômatiques, des reflets déformés des songes du passé dans les glaces du plus beau des palais du monde et de ce pas de danse esquissé et à jamais perdu.

IBN Battuta ... "dans un nuage de poussières"
Dans quelques semaines, je reviendrais vers vous avec ma chronique du livre/CD de Jordi Savall, sorti il y a peu, consacré à Ibn Battuta, le Voyageur de l'Islam. L'ayant reçu, il y a quelques jours, j'en termine seulement la première écoute complète et bien qu'ayant entendu les deux parties de ce programme à Fontfroide, je sais qu'il me faudra du temps pour en savourer toute la luxuriance musicale et la beauté des textes et illustrations, pour vous en parler au mieux. Tout au long de cette première écoute, je me suis laissée envoûtée par cette musique du sable et du vent, du temps qui s'évanouit dans le pas lent des dromadaires, où le souffle d'Eole qui fait gonfler les voiles des boutres quittant les ports de la Mer Rouge pour de lointains horizons aux noms évocateurs de l'ailleurs.
Mais tandis que je termine cette première écoute, je suis saisie par la beauté sonore, à fleur de peau, du duduk, du ney, des percussions et de l'organetto qui accompagne la voix de Waed Bouhassoun qui en un murmure lancinant, emporte nos âmes vers l'oubli, vers l'abandon. Ecrire la chronique de ce merveilleux album de Jordi Savall, s'annonce comme un véritable bonheur tant ici tout est harmonie.
Par Monique Parmentier
Le sommeil : la vie est un songe
Souvenir d'un moment magique à la BNF, cette photo, vous permettra de percevoir, je l'espère, le sentiment de rêverie qui peut s'emparer du lecteur, lorsqu'il a l'occasion d'avoir entre les mains, une œuvre magique en un lieu hors du temps et de la réalité.
Le livret des fêtes de Bacchus dont je vous reparlerais, se présente sous la forme d'un livre. La reliure, le parchemin extrêmement fin, les dessins… mais aussi la table d'étude, le coussin rouge sur lequel repose le livre, et tout autour, j'espère que vous parviendrez à les imaginer, des boîtes à trésor… Rembrandt, Mantegna, Le Lorrain deviennent pour un instant des compagnons qui vous murmurent la poésie du monde, pour peu que l'on s'arrête et qu'on écoute cette onde, cette caresse du temps qui s'écoule. Orphée vous enchante, tandis que le Sommeil vous emporte au doux pays du songe. N'en doutez pas, le Sommeil baroque est votre ami. Et de l'autre côté du miroir, Alice peut s'abandonner à ses rêveries et à ces mondes imaginaires.
Tout n'est plein ici bas que de vaine apparence,
Ce qu'on donne à sagesse est conduit par le sort,
L'on monte et l'on descend avec pareil effort,
Sans jamais rencontrer l'état de consistance.
Que veiller et dormir ont peu de différence,
Grand maître en l'art d'aimer, tu te trompes bien fort
En nommant le sommeil l'image de la mort,
La vie et le sommeil ont plus de ressemblance.
Comme on rêve en son lit, rêver en la maison,
Espérer sans succès, et craindre sans raison,
Passer et repasser d'une à une autre envie,
Travailler avec peine et travailler sans fruit,
Le dirai-je, mortels, qu'est-ce que cette vie ?
C'est un songe qui dure un peu plus qu'une nuit.
Jacque Vallée des Barreaux (1599 - 1673)
Par Monique Parmentier
Je chante ce soir non ce que nous devons combattre...

Je chante ce soir non ce que nous devons combattre
Mais ce que nous devons défendre.
Les plaisirs de la vie.
Le vin qu'on boit avec des camarades.
L'amour.
Le feu en hiver.
La rivière fraîche en été.
La viande et le pain de chaque repas.
Le refrain que l'on chante en marchant sur la route.
Le lit où l'on dort.
Le sommeil, sans réveils en sursaut, sans angoisse du lendemain.
Le loisir.
La liberté de changer de ciel.
Le sentiment de la dignité et beaucoup d'autres choses
Dont on ose refuser la possession aux hommes.
Robert Desnos
Au fil du temps... au fil de l'éternité

En ce petit matin gris, dans le brouillard d'une sinusite très douloureuse, tandis que je consultais sans trop y prêter attention mon compte Face Book, une video (lien à suivre) diffusée par Marie Vassort Algranate sur sa page du Musée des Arts et du Textile de Flavigny m'a transporté dans un univers d'une délicate poésie, au fil du temps et de la contemplation, en un univers d'une beauté infinie.
J'ai alors plongé dans un instant de douceur, de beauté et d'harmonie qui m'a éloigné des soucis un court instant. C'est un peu de la Belgique de mes origines d'abord que j'y ai perçu. Une Belgique quasi mythique, celle de mes rêves d'enfant. La famille de mon père était ardennaise. Et puis, en écoutant la dame filmée ici, le charme n'a plus cessé d'agir. La beauté des paysages, de la maison, de l'artiste et de ses réalisations qui sous leur modestie apparente, sont bouleversantes d'humanité. Tout ici est pur bonheur. Le commentaire sous la video, nous en apprend peu, mais nous dit avec justesse le ressenti. "Elle nous offre un regard sur le paysage et le temps qui passe. Et si, le sens de la vie résidait dans la perception des petits instants de lumières qui ponctuent nos jours". Cette video, nous invite à une rencontre avec Catherine de Launoit, une artiste belge née à Bruxelles en 1943 et qui travaille à Grande Hoursinne dans les Ardennes, un petit hameau de la vallée de l'Aisne près d'Erezée. Elle est la fille de José De Launoit (1910-1973) et d'Alice Devos (1912-1968) qui furent tous deux des proches d'Hergé, qu'ils assistèrent à plusieurs reprises dans son travail.
Depuis une vingtaine d'année, Catherine de Launoit, tient une sorte de journal intime, qu'elle préfère appelé "des instantanés de vie", intitulé "Les feuillets du jour", où au fil des pages de tissus apparaissent sereinement brodées les métamorphoses saisonnières des paysages qui l'environnent et en particulier la colline qui surplombe sa maison, des personnages qu'elle côtoie, des animaux familiers, des ustensiles de la vie quotidienne. Le quotidien y devient merveilleux et chaque instant la quintessence de la poésie. Martin Dellicour, le vidéaste, nous fait partager l'âme du fil, du paysage qui devient broderie, de la broderie qui devient pâtissière, du chat qui murmure aux voiles de brumes, la douce caresse de "La vie passe comme ça..."
Par Monique Parmentier
La beauté comme remède à la violence et à tout ce que l'humain peut créer de pire
Je reviendrais vers vous, bientôt… Pour vous parler de cette merveille datant de 1652... La beauté du dessin, des couleurs et des filigranes d'or fin, sont le souvenir d'un temps où l'art faisait rêver, où l'imaginaire était Roi… Un temps où … j'aime à retourner pour fuir un quotidien si froid et où la médiocrité règne et écrase tout, surtout les rêves… Et puis, il s'agit du Printemps… et alors que l'hiver règne… j'aime à songer au printemps. Ce merveilleux dessin aux couleurs si bien conservées me semble la quintessence même de la poésie.
Par Monique Parmentier
Il était une fois... Des fées aujourd'hui disparues... des Forest de Saint Germain
Il était une fois,... il y a quelques années désormais, j’ai eu la chance de pouvoir aller faire des recherches à la réserve du département des Estampes de la BNF et d’accéder ainsi aux livrets de plusieurs ballets ayant été dansés par Louis XIII et Louis XIV.
Rentrer dans la réserve des Estampes, c’est découvrir un lieu magique au cœur du bâtiment de la rue de Richelieu à Paris. Ce département n’est ouvert que deux matins par semaine et à l’époque, y officiait en tant que conservatrice Barbara, celle qui fût ma bonne fée.
La porte imposante s’ouvre d’abord sur un premier bureau. Il s’agit d’une partie des anciens appartements de Mazarin. Rien d’ostentatoire et en même temps, domaine hors du temps en plein Paris. Puis vient la salle de lecture. Quelques tables et tout autour des étagères avec des boîtes aux noms qui résonnent comme autant de merveilles qui ne demandent qu’à se laisser découvrir et dont on n’oserait même pas rêver lorsqu’on est fille de jardinier : Rembrandt, Mantegna… Et l’on réalise soudain, que là ce ne sont pas des micro-films que l’on va nous présenter, que l’on va pouvoir toucher, mais des documents précieux et fragiles. Et lorsque arrive à votre table, les manuscrits dont vous n’aviez jamais osé espérer qu’un jour peut-être, il vous serait donné de les toucher, une émotion fulgurante vous atteint. Cette émotion, faite de larmes et d’excitation, d’un bonheur sans pareil, je l’a ressens encore, vivante et vibrante aujourd’hui. Elle est encore si forte et bouleversante et il me semble pourtant toujours aussi difficile à décrire… Chacun de ces ouvrages ressemble à un livre magique… un livre de contes de fées qui vous emporte dans des mondes imaginaires extravagants et chimériques…
Alors, Once upon a time, … je vous invite à découvrir (ou redécouvrir) le plus connu d’entre eux, celui dont des images circulent sur le web mais qui m’a obligé en raison de son format et de l’appareil photo dont je disposais à quelques contorsions… mais au fond tous les tableaux de ce… Ballet des fées des forests de Saint-Germain portent en eux – mêmes ce grain de folie profondément baroque qui je l’espère vous apparaîtra d’autant plus évident ainsi… « de traviole »
Les dessins du Ballet des fées de la Forêt de Saint – Germain sont l’œuvre de Daniel Rabel (vers 1578-1637). Le burlesque en est la quintessence du baroque italien, dans toute sa fantaisie.
Le ballet lui est une parodie humoristique des ballets mélodramatiques qui ont depuis Henri III été à la mode à la cour. C’est probablement sous l’influence de Marie de Médicis et de Concini qu’il évolue vers ce grotesque, cette bouffonnerie assumée mais sans aucune vulgarité. Ce spectacle, comme tous ceux qui furent créés durant la même période réunissait des costumes d’une extrême diversité. Ils suggèrent aussi bien des personnages mythologiques, allégoriques, exotiques, comiques voir ridicules. Louis XIII y dansa notamment le rôle d’un « vaillant combattant », tandis que son frère, Gaston d’Orléans (1608-1660), âgé de seize ans, y interprétait un « demi-fou ».
Les entrées ont été conservées grâce à une copie de l’atelier Philidor. Les airs de Boësset furent publiés dans le Livre XIII des Airs de cour avec la tablature de luth, d’Antoine Boësset, par Ballard en 1626. Les airs à voix seule sont conservés au département de la musique à la Bibliothèque Nationale.
Il fut représenté au début du Carnaval 1625 au Louvre, le 9 février.
« Cinq fées bouffones des forests de St Germain… viennent en la présence des Reines et des dames de Paris »… présenter leurs doléances. Chacune d’elles « préside bouffonnesquement sur quelque science particulière, leur humeur railleuze… ». Sur les airs et récits composés par Antoine Boësset, l’on entend donc Guillemine « la quinteuse » (fée de la musique), Gillette « la hasardeuse (fée des joueurs), Jacqueline « l’entenduë » (ma préférée) la fée des « estropiez de cervelle ». Accompagnée de son animal fétiche, le hibou, cette fée (interprétée par Roger du Plessis de Liancourt, Premier Gentilhomme de la Chambre, cousin de Richelieu), nourrit l’espoir de guérir les « embabouinés », esprits tout à la fois naïfs et vantards.
« Ils ont l’oeil creux, le corps ectique,
Le poil et l’habit à l’antique,
Qui les font remarquer de loing ;
La vanité leur sert de guide,
Et de meubler leur chambre vuide
Les chimeres ont un grand soing.
Pressé de leurs humeurs bourrues
Tout le jour ils courent les rues,
Et toute la nuit ont l’oeil ouvert.
Moy, pour esgayer leur folie,
J’ordonne à leur meslancolie
De se couvrir d’un bonnet vert. »
Le quatrième tableau du ballet est conduit par, Alizon « la hargneuse », fée des vaillants combattants. Elle mène fièrement une troupe grotesque de soldats éclopés ou contrefaits montés « sur des mules » et armés d’épées de bois ; ce fier appareil ne la mène pas bien loin, et elle est obligée d’abandonner bien vite le combat dans une pitoyable déroute… Puis vient la dernière des fées, Macette-la-Cabrioleuse, fée de la Danse.
Toutes ces fées introduisent des entrées aux titres évocateurs de mondes fantasques et farfelus tels que : l’Entrée des Esprits Follets, joueurs de balle forcée ; L’entrée des embabouinés et celle des Demis – fous ; Entrée des Esperlucates ou celle des Bilboquets escamotés.

Pour ce ballet, comme pour beaucoup d’autres on dispose des comptes royaux qui nous donnent de nombreux détails sur les matériaux ayant servis à confectionner les costumes. Les étoffes sont luxueuses, « taffetas et soye incardatin et satin roze » et des passementeries d’or et d’argent servent d’ornements.
L’onirisme qui émane de ces dessins est si intense que lorsqu’on reste à les regarder pendant un temps qui ne se compte plus, qui disparaît de notre conscience, les personnages finissent par devenir vivants. La musique en surgit et nous emporte en une danse folle et tournoyante, et dont émane pourtant une profonde mélancolie, loin d’une réalité dont j’ai bien souvent perdu la conscience durant ces quelques heures qui furent parmi les plus belles de ma vie. Bientôt je vous inviterais à venir découvrir un autre ballet, celui du tout jeune enfant-roi, celui qui un temps osa rêver son règne, avant que de l’anéantir dans un classicisme martial et sans fantaisie.
Alors... parce qu'il ne tient qu'à vous en fermant les yeux, de prononcer ces mots magiques : Il était une fwé (fois)... et d'entendre cette si noble et poétique musique d'Antoine Boësset dont Vincent Dumestre, reste à mes yeux, l'un des des meilleurs interprètes et dont le CD qu'il lui a consacré l'un des plus beaux CD de musique ancienne… baroque... que je connaisse... chut... il était une fois
Par Monique Parmentier
CD Outhere/ALPHA : Vincent Dumestre/Le Poème Harmonique - Je meurs sans mourir - Anthoine Boësset
BNF : Ballet des fées des Forests de Saint-Germain
Catalogue de dessins relatifs à l'histoire du théâtre conservés au Département des estampes de la Bibliothèque nationale, avec la description d'estampes rares sur le même sujet, récemment acquises de M. Destailleur / par Henri Bouchot, 1896, p.16-18, n°247-275
Catalogue chronologique de la collection de Fevret de Fontette, 1770 (RESERVE YE-28-PET FOL), fol.103
Ecrire, pouvoir écrire !
Certains me demanderont pourquoi cette citation, cet extrait de texte plutôt qu'une ou un autre ? Pourquoi certains poèmes et pas d'autres ? Pourquoi certains poètes ou auteurs me touchent plus que d'autres ? Je répondrais toujours "la longue rêverie devant la feuille blanche" partagée… Celle de "l'envolé de papillon-fée"... De Gérard de Nerval à Robert Desnos en passant par Colette et toujours celui que je place au-dessus de tous les autres Albert Camus… Alors ici donc, ce sera Colette… celle pour qui l'instant est celui qu'il faut vivre, dans lequel il faut chercher, cette infime nuance de poésie et de gourmandise, ce parfum unique qui enivre.
"Ecrire, pouvoir écrire ! Cela signifie la longue rêverie devant la feuille blanche, le griffonnage inconscient, les jeux de la plume qui tourne en rond autour d’une tache d’encre, qui mordille le mot imparfait, le griffe, le hérisse de fléchettes, l’orne d’antennes, de pattes, jusqu’à ce qu’il perde sa figure lisible de mot, mué en insecte fantastique, envolé de papillon-fée…
Ecrire ! Verser avec rage toute la sincérité de soi sur le papier tentateur, si vite, si vite que parfois la main lutte et renâcle, surmenée par le dieu impatient qui la guide… et retrouver, le lendemain, à la place du rameau d’or, miraculeusement éclos en une heure flamboyante, une ronce sèche, une fleur avortée…"
Colette, La Vagabonde, 1910.