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Le blog de Susanna Huygens

Concerto di voce di viole : le Concert des dames

2 Décembre 2011 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques Concerts

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Claire Lefilliâtre – Ensemble la Verginella

Concerto di voce di viole : le Concert des dames

Eglise des Billettes

2 décembre

 

Certaines musiques s’enrichissent par la relation qu’entretiennent les artistes avec le public. Ce soir, Claire Lefilliâtre et l’Ensemble la Verginella, composé de 4 violistes et une harpiste, ont fait salle comble à l’Eglise des Billettes. Rarement la relation entre ces musiciennes entre elles et avec le public ne nous a semblée aussi forte.
Le programme qu’elles nous ont proposé, est d’une extrême rareté. Leur complicité naturelle nouée depuis des années, en se croisant fréquemment sur les chemins du baroque, l’a rendu particulièrement intense.

© Sébastien Brohier

 

Elles nous ont offert des madrigaux de Monteverdi, pour la plupart tiré de son second et sixième livre qui ont été initialement écrit pour 5 voix et basse continue. Françoise Enock a eu l’idée, avec la complicité de Claire Lefilliâtre au chant, de nous en proposer une version à une voix humaine et quatre voix issues des violes.
Ces instruments qui chantent la plainte, le chagrin, la mélancolie, l’insolence aussi, avec tant de souplesse et d’expressivité lorsque des doigts enchantés font résonner leur cœur et leur âme, nous ont émerveillés par leur beauté. Les cinq voix, dont celle si unique, si sensible, si dramatique, entre déclamation et chant que susurre la douleur de Claire Lefilliâtre, s’entrelacent avec délicatesse et ferveur.Claire_hubert.jpg
Les musiciennes sont à l’écoute de ce murmure qu’exprime avec tant de raffinement le chant de la Soprano. Elles font de chaque madrigal où l’amour, ses joies et ses peines se mettent en scène, devenant notre théâtre, celui de notre moi le plus intime. Claire Lefilliâtre au timbre moiré et sensuel nous a envouté tout au long de la soirée : dans le Lamento d’Arianna si tragique dans sa plainte et son cri de douleur, dans si Dolce il tormento exprimant ce délicat chagrin qui s’écoule à n’en plus finir au point de s’illuminer dans un firmament de désir, embrasant cet amour qui veut vivre.
Entre chaque madrigal des pièces instrumentales de Giovanni Maria Trabaci sont des instants hypnotiques, où chacun retient son souffle. On retiendra parmi toutes les pièces interprétées Durezze e ligature, où les violes en duo, trio puis quatuor nous saisissent par la volupté douloureuse de leur chant. Toutes les violistes, Kaori Uemura au dessus de viole, Sylvia Abramowicz au ténor de viole et Isabelle Saint-Yves à la basse de viole et Françoise Enock au violone sont des musiciennes raffinées. On en vient à penser en les écoutant aux Dames de Ferrare. Et il ne faut surtout pas oublier à la harpe, Marie Bournisien qui dans une toccata pour cet instrument, semble laisser s’en écouler des larmes douces et amères. Elle nous prépare ainsi à celles du chant dans Si dolce i tormento.
Claire Lefilliâtre et l’ensemble la Verginella nous ont fait vivre une soirée unique, celle de la musique vécue comme un don. Il est à souhaiter que ce programme magnifique de générosité et de talents tourne afin que tous puissent savourer cet instant unique où le concert devient une assemblée d’ami(e)s partageant la même passion pour la musique.

Monique Parmentier

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Arie e Lamenti : la voix de l'émotion

1 Décembre 2011 , Rédigé par Parmentier Monique

@ Alia Vox

Madrigali Guerrieri et Amorosi
Montserrat Figueras – Jordi Savall – La Capella Reial de Catalunya

Il est des CD dont on retarde l’ouverture, sans trop savoir pourquoi. Peut- être parce que l’on sait qu’ils vont vous prodiguer une émotion que l’on redoute. Une émotion si grande que la perdre serait encore plus terrifiant que d’oser la vivre.

Les deux CD qu’Alia Vox réédite dans sa collection Héritage, sont bien connus de tous les amoureux de la musique ancienne. Mais ce soir en écrivant cette chronique, telle Pandore, on réalise que le pire s’est produit. L’on se retrouve à prendre conscience de la perte immense pour chacun de nous qu’est la disparition de celle qui participa par sa présence et sa voix si radieuse et envoutante, aux côtés de Jordi Savall, au succès de la belle aventure humaine, dont AliaVox est le témoignage.

Montserrat Figuerras, puisque c’est d’elle dont il s’agit, et l’ensemble des musiciens qui l’accompagnait ici dans ces deux CD, nous font vivre un moment d’émotion absolu. Jamais la voix n’a exprimé avec autant de vérité la poésie de la douleur et de la joie d’aimer, du désir qui emporte tout. Il n’est que d’entendre dans les Arie et Lamenti du CD 1, la Lettera Amorosa ou le Lamento d’Arianna pour en être poignardé par l’intensité. Dans le CD 2, consacré au Livre VIII, dans les madrigaux guerriers et amoureux, ce qui frappe c’est la beauté de la distribution vocale. Autour de Montserrat Figuerras, chaque chanteur vibre dans la violence faite aux sentiments et aux corps qu’exprime avec force ce « style concitato » créé par Monteverdi. Quant aux musiciens, et ce dans les deux CD, ils donnent à la ligne de chant des couleurs aux nuanciers d’ombres et de feu.

Que peut-on rajouter, qui n’ait déjà été écrit ? Montserrat Figuerras et Jordi Savall ont apporté à chacun de nous, depuis la création d’Hespérion XX en 1974, tant de générosité, d’amour et de passion que nos mots ne sauraient remplacer la musique qu’ils ont interprétée avec tant de rigueur et d’harmonie.

Ce soir nous partageons le chagrin de cette famille qui nous a tant donné. Et ces deux CD, sont un de leurs dons à la valeur incommensurable. Leur présence dans votre discothèque en est indispensable. La musique de Claudio Monteverdi avait trouvé ici ses plus fervents et humbles serviteurs. Tout y est exprimé, jusqu’à l’éternelle douleur que représente la perte de l’être aimé. Ce coffret ouvert, nous révèle les plus beaux trésors de l’interprétation du maître mantouan. Montserrat Figuerras nous manquera à tous. Elle nous laisse orphelin. Puisse Jordi Savall trouver la force de poursuivre le travail si magnifique dont ces deux CD sont les témoins. Lorsque vous ouvrirez le livret, sa beauté transfigurera l’instant et plus jamais vous n’aurez envie de le refermer.

Monique Parmentier

2 CD Alia Vox (1976/1992 – Réédition 2011) Durée: CD1 53’10’’– CD2: 61’20’’

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