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Le blog de Susanna Huygens

Un Egisto romain pour Mazarin

29 Octobre 2011 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques Concerts

_DSC7412-Matthieu-Chapuis--David-Witczakcdidier-Saulnier.jpgLes Paladins, Jérôme Corréas
Egisto, une redécouverte exceptionnelle
Théâtre de l’Athénée Louis Jouvet
23 octobre

 

On ne pouvait rêver plus bel écrin, que le charmant théâtre à l’italienne de l’Athénée pour recevoir cette coproduction d’une exceptionnelle rareté qu’est cet Egisto Composé par Marco Marazzoli et Virgilio Mazzochi sur un livret du Cardinal Rospigliosi, futur Clément IX, Egisto serait le premier opéra italien représenté en France à la demande de Mazarin en 1646. Cette redécouverte extrêmement récente est en partie le fruit d’un hasard dont on remercie la musicologue d’origine italienne, Barbara Nestola.
Qui mieux que Jérôme Corréas, dont on connait tous la passion pour ce répertoire du premier XVIIe, pouvait relever le défi de faire aimer au public contemporain une œuvre qui initialement durait plus de 5 heures et dont il nous propose ici une version de trois heures ? Difficile de faire court donc pour en parler.
Egisto, qui s’est aussi intitulé Chi soffre speri (Celui qui souffre espère) est une œuvre composée d’un prologue et de trois actes séparés par trois intermèdes. Véritable patchwork de petites scénettes, elle est unique en son genre. Fable morale, elle est un pur produit d’une Contre-Réforme aux audaces surprenantes. Fruit d’une expérimentation unique, elle mêle tout à la fois musique, théâtre et danse, langue aristocratique et dialectes populaires (bergamasque et napolitain).

La troupe réunie autour de Jérôme Corréas redonne une jeunesse ardente à Egisto. Onze chanteurs  et quatre danseurs qui nous ont invités à un voyage réellement onirique. La mise en scène de Jean-Denis Monory, spécialiste du répertoire baroque, s’est attachée à relever la poésie de la gestuelle et de la langue, et surtout celle du corps expressif. Les décors épurés qui laissent à l’imaginaire le soin de rêver des forêts ou des châteaux d’Adeline Carron, les lumières fantasmagoriques d’Olivier Oudiou, les costumes élégants, riches en couleurs de Chantal Rousseau et les maquillages expressifs et soignés de Mathilde Benmoussa participent pleinement au bonheur de ce spectacle total.
_DSC7434-Fiera-di-Farfa-tutti-chanteurs-sauf-Muriel-Ferraro.jpg
Les chanteurs prennent possession de la vingtaine de personnages avec un plaisir communicatif parvenant à faire du public un acteur de cette joyeuse mascarade. Entre histoire d’amour contrarié un temps mais qui triomphe de tout, l’ivresse joyeuse de la foire de Farfa, en passant par les facéties et lazzi des serviteurs, entre la scène, la fosse et la salle, la magie du théâtre, de la Commedia dell’Arte opère.
Parmi les chanteurs nous retiendrons Muriel Ferraro, soprano travesti qui tient le rôle d’Egisto avec sensi
_DSC7448Fiera-di-Farfa-avec-au-centre-Marc-Valero-copie-1.jpgbilité. Dans le rôle d’Alvida (et de Virtu dans le prologue), Charlotte Plasse est une jeune veuve amoureuse d’une noblesse tendre et attachante. Le timbre sensuel d’Anoushka Lara convient parfaitement au rôle de la Nymphe Eurila et de la Volupté, tandis Blandine Folio Peres est une insolente et brillante Sylvia et une nourrice impertinente d’une grande drôlerie.
Dans les rôles des serviteurs d’Egisto Matthieu Chapuis et David Witczak nous régalent par leur truculence. Et si nous ne pouvons tous les citer, ils nous ont tous permis de savourer durant ces trois heures ce Parlar Cantando qu’ils rendent si naturels qu’on en oublie qu’il n’est pas encore du chant, mais n’en est pas si loin.
Mais il ne faut pas non plus oublier la chorégraphie de Françoise Denieau qui permet aux quatre danseurs de s’intégrer parfaitement et avec grâce dans le mouvement de la musique et de la parole.
Sous la direction chaleureuse et radieuse de Jérôme Corréas, les Paladins apportent des couleurs aux nuances ambrées d’une Italie rêvée. Si la vie est un songe, le théâtre une illusion, alors en ce dimanche après-midi, la troupe des Paladins, nous a permis de nous évader vers un ailleurs baroque d’une exceptionnelle beauté.

Monique Parmentier

 

Crédit photographique : Didier Saulnier

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Ensemble Correspondances : entre humilité et ferveur

27 Octobre 2011 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques Concerts

correspondances2.jpgL’Archange & le Lys : Messe & motets d’Antoine Boesset
TEMPLE DE PENTEMONT - 25 octobre 2011

L’ensemble Correspondances – Sébastien Daucé

C’est dans le très beau temple de Pentemont, ancienne chapelle de l’abbaye du même nom construite au XVIIIe siècle, que l’ensemble Correspondances nous a offert en concert son très beau programme qui vient de faire l’objet d’un CD, chroniqué il y a peu par nos soins : l’Archange et le Lys.

Les pièces sacrées proposées ici sont toutes issues d’un manuscrit exceptionnel par sa rareté, se trouvant à la BNF : le manuscrit Deslauriers. Si elles ne sont pas signées, certaines ont pu être attribuées à Antoine Boesset, l’un de ces compositeurs du premier XVIIe qui a fait de l’air de cour, un bijou rare et précieux. Son répertoire sacré qui avait été perdu, a donc été retrouvé, grâce à la passion de Sébastien Daucé. Qu’il en soit d’autant plus remercié que l’interprétation qu’il nous en offre, avec son ensemble Correspondances, tant au disque qu’au concert est tout simplement splendide. Entre humilité et ferveur, ils nous restituent avec flamboyance le chant extatique des religieuses de l’Abbaye de Montmartre qui ont pu interpréter ces œuvres, elles qui eurent pour maître de chant et compositeur Antoine Boesset.
Les 4 chanteuses font résonner en nous le cœur même de cette musique, qui touche à l’intime et qui pourtant nous emporte vers les sphères. Les timbres sont tous forts beaux. On remarque tout particulièrement celui du contralto Lucile Richardot, tant les graves sont assurés avec une longueur de souffle qui lui permet des nuances d’une infinie variété, entre force incantatoire et soupir doloriste. Mais les autres chanteuses ne sont pas en reste (Caroline Bardot et Juliette Perret, dessus et Marie Pouchelon, Bas-dessus) et leurs voix se mêlent en une union de feu et de glace pour mieux exprimer dans cette reconstitution d’une messe mariale, cette extase (et cette foi charnelle et sensuelle) baroque.
Les musiciens nous offrent une basse continue de pourpre et d’encens. Les flûtes aux parfums suaves, les violes aux voix lumineuses, le théorbe dont l’onde s’écoule comme les larmes et la fluidité des jeux de l’orgue positif, tendre et onctueuse soutiennent les 4 chanteuses avec générosité.
Pas de doute l’ensemble Correspondances est à suivre, tant musiciens et chanteurs se sont engagés avec talent par leur curiosité et leur passion à défendre des répertoires trop rarement donnés et dont la beauté est à couper le souffle.

 

Par Monique Parmentier

 

 

 

 

Copyright photo Correspondances : DR

 

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La Wallonie baroque par un jeune ensemble riche de talents

25 Octobre 2011 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

Scherzi_musicali_Wallonie_baroque.jpgPetits motets - Joseph-Hector Fiocco

Scherzi Musicali – Nicolas Achten
La Wallonie baroque


C’est avec un label peu connu en France et qui pourtant le mériterait que le jeune et talentueux Nicolas Achten nous revient en cette rentrée avec un disque enregistré en… 2009 ! Dont il serait vraiment dommage de nous priver.

L’objectif de Musique en Wallonie est de faire redécouvrir l’ensemble du patrimoine musical francophone belge. Pour cela un véritable effort est fait tant au niveau de la recherche sur le répertoire proposé que de la présentation et de la prise de son si l’on se fie à celles dont a bénéficié ce CD.
Musique en Wallonie avait à l’époque confié cet enregistrement des Petits Motets de Joseph-Hector Fiocco, à un tout jeune ensemble, Scherzi Musicali, qui n’a cessé depuis de nous surprendre et de nous éblouir.
De son vivant, la notoriété de Joseph-Hector Fiocco (1703-1741) dépassa Anvers et Bruxelles où il occupa des postes de maître de chapelle, de compositeur et organiste, puisque certains motets furent programmés au Concert Spirituel à Paris. Son corpus de musique sacrée nous est parvenu sous forme manuscrite. Face à la rareté d’information sur l’interprétation de ses œuvres, Nicolas Achten nous en livre une vision sublimée, saisissante et éblouissante
Au confluent des influences françaises et italiennes – dont était originaire par son père Joseph- Hector Fiocco – la musique de ce compositeur nous apparaît ici dans toute sa sensuelle magnificence. Son discours nous séduit par les nuances et les couleurs que nous en propose Scherzi Musicali.
Les cinq motets retenus nous offre une palette aux tons pastels, mais d’où parfois encore semble surgir des clairs-obscurs.Mais ce sont particulièrement leurs traits vivaldiens qui nous bouleversent le plus comme dans le Beatus Vir où la soprano Céline Vieslet et les musiciens nous livrent une interprétation incandescente, au feu doloriste et passionnel, tout comme le Libera me Domino où la soprano Marie de Roy vient enrichir de son timbre lumineux cette pièce à la volupté frémissante et dramatique.
Il faut également relever la splendeur et la souplesse vocale de Nicolas Achten. Le talent de ce jeune musicien/chanteur était déjà en 2009 bien vivant et vibrant. Enfin le timbre solaire dans le Jubilate Deo du ténor Reinoud van Mechelen est un enchantement qui vient harmonieusement compléter cette distribution.
A quatre, deux ou une voix avec un instrumentarium particulièrement soigné, à la luxuriante profusion, les interprètes nous restituent les climats et les affects de ces œuvres avec une attention toute particulière à la fragile sensibilité de ce compositeur méconnu.
Une fois de plus Nicolas Achten et les Scherzi Musicali font preuve d’une talentueuse virtuosité. Leur jeunesse et leur enthousiasme sont des atouts précieux. Vous serez sans aucun doute ébloui par ce soin apporté au dialogue entre voix et instruments, la souplesse et le raffinement vocal de l’ensemble des chanteurs et la beauté des timbres et des phrasés, ainsi que de volupté fastueuse de l’ensemble instrumental. Il n’est jamais trop tard pour éditer et donc pour s’offrir une telle merveille.


Par Monique Parmentier

1 CD Musique en Wallonie Durée : 59’14’’

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