Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Susanna Huygens

Il était une fois... Des fées aujourd'hui disparues... des Forest de Saint Germain

27 Janvier 2019 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Dossiers Musique

@ BNF Photo M Parmentier

Il était une fois,... il y a quelques années désormais, j’ai eu la chance de pouvoir aller faire des recherches à la réserve du département des Estampes de la BNF et d’accéder ainsi aux livrets de plusieurs ballets ayant été dansés par Louis XIII et Louis XIV.

Rentrer dans la réserve des Estampes, c’est découvrir un lieu magique au cœur du bâtiment de la rue de Richelieu à Paris. Ce département n’est ouvert que deux matins par semaine et à l’époque, y officiait en tant que conservatrice Barbara, celle qui fût ma bonne fée.

@ BNF Photo M Parmentier

La porte imposante s’ouvre d’abord sur un premier bureau. Il s’agit d’une partie des anciens appartements de Mazarin. Rien d’ostentatoire et en même temps, domaine hors du temps en plein Paris. Puis vient la salle de lecture. Quelques tables et tout autour des étagères avec des boîtes aux noms qui résonnent comme autant de merveilles qui ne demandent qu’à se laisser découvrir et dont on n’oserait même pas rêver lorsqu’on est fille de jardinier : Rembrandt, Mantegna… Et l’on réalise soudain, que là ce ne sont pas des micro-films que l’on va nous présenter, que l’on va pouvoir toucher, mais des documents précieux et fragiles. Et lorsque arrive à votre table, les manuscrits dont vous n’aviez jamais osé espérer qu’un jour peut-être, il vous serait donné de les toucher, une émotion fulgurante vous atteint. Cette émotion, faite de larmes et d’excitation, d’un bonheur sans pareil, je l’a ressens encore, vivante et vibrante aujourd’hui. Elle est encore si forte et bouleversante et il me semble pourtant toujours aussi difficile à décrire…  Chacun de ces ouvrages ressemble à un livre magique… un livre de contes de fées qui vous emporte dans des mondes imaginaires extravagants et chimériques…

@ BNF Photo M Parmentier

Alors, Once upon a time, … je vous invite à découvrir (ou redécouvrir) le plus connu d’entre eux, celui dont des images circulent sur le web mais qui m’a obligé en raison de son format et de l’appareil photo dont je disposais à quelques contorsions… mais au fond tous les tableaux de ce… Ballet des fées des forests de Saint-Germain portent en eux – mêmes ce grain de folie profondément baroque qui je l’espère vous apparaîtra d’autant plus évident ainsi… « de traviole »

Les dessins du Ballet des fées de la Forêt de Saint – Germain sont l’œuvre de Daniel Rabel (vers 1578-1637). Le burlesque en est la quintessence du baroque italien, dans toute sa fantaisie.

@ BNF Photo M Parmentier

Le ballet lui est une parodie humoristique des ballets mélodramatiques qui ont depuis Henri III été à la mode à la cour. C’est probablement sous l’influence de Marie de Médicis et de Concini qu’il évolue vers ce grotesque, cette bouffonnerie assumée mais sans aucune vulgarité. Ce spectacle, comme tous ceux qui furent créés durant la même période réunissait des costumes d’une extrême diversité. Ils suggèrent aussi bien des personnages mythologiques, allégoriques, exotiques, comiques voir ridicules. Louis XIII y dansa notamment le rôle d’un « vaillant combattant », tandis que son frère, Gaston d’Orléans (1608-1660), âgé de seize ans, y interprétait un « demi-fou ».

@ BNF Photo M Parmentier

Les entrées ont été conservées grâce à une copie de l’atelier Philidor. Les airs de Boësset furent publiés dans le Livre XIII des Airs de cour avec la tablature de luth, d’Antoine Boësset, par Ballard en 1626. Les airs à voix seule sont conservés au département de la musique à la Bibliothèque Nationale.

Il fut représenté au début du Carnaval 1625 au Louvre, le 9 février.

« Cinq fées bouffones des forests de St Germain… viennent en la présence des Reines et des dames de Paris »… présenter leurs doléances. Chacune d’elles « préside bouffonnesquement sur quelque science particulière, leur humeur railleuze… ». Sur les airs et récits composés par Antoine Boësset, l’on entend donc Guillemine « la quinteuse » (fée de la musique), Gillette « la hasardeuse (fée des joueurs), Jacqueline « l’entenduë » (ma préférée) la fée des « estropiez de cervelle ». Accompagnée de son animal fétiche, le hibou, cette fée (interprétée par Roger du Plessis de Liancourt, Premier Gentilhomme de la Chambre, cousin de Richelieu), nourrit l’espoir de guérir les « embabouinés », esprits tout à la fois naïfs et vantards.

@ BNF Photo M Parmentier

« Ils ont l’oeil creux, le corps ectique,

Le poil et l’habit à l’antique,

Qui les font remarquer de loing ;

La vanité leur sert de guide,

Et de meubler leur chambre vuide

Les chimeres ont un grand soing.

Pressé de leurs humeurs bourrues

Tout le jour ils courent les rues,

Et toute la nuit ont l’oeil ouvert.

Moy, pour esgayer leur folie,

J’ordonne à leur meslancolie

De se couvrir d’un bonnet vert. »

@ BNF Photo M Parmentier

Le quatrième tableau du ballet est conduit par, Alizon « la hargneuse », fée des vaillants combattants. Elle mène fièrement une troupe grotesque de soldats éclopés ou contrefaits montés « sur des mules » et armés d’épées de bois ; ce fier appareil ne la mène pas bien loin, et elle est obligée d’abandonner bien vite le combat dans une pitoyable déroute… Puis vient la dernière des fées, Macette-la-Cabrioleuse, fée de la Danse.
Toutes ces fées introduisent des entrées aux titres évocateurs de mondes fantasques et farfelus tels que : l’Entrée des Esprits Follets, joueurs de balle forcée ; L’entrée des embabouinés et celle des Demis – fous ; Entrée des Esperlucates ou celle des Bilboquets escamotés.

@ BNF Photo M Parmentier

Pour ce ballet, comme pour beaucoup d’autres on dispose des comptes royaux qui nous donnent de nombreux détails sur les matériaux ayant servis à confectionner les costumes. Les étoffes sont luxueuses, « taffetas et soye incardatin et satin roze » et des passementeries d’or et d’argent servent d’ornements.

L’onirisme qui émane de ces dessins est si intense que lorsqu’on reste à les regarder pendant un temps qui ne se compte plus, qui disparaît de notre conscience, les personnages finissent par devenir vivants. La musique en surgit et nous emporte en une danse folle et tournoyante, et dont émane pourtant une profonde mélancolie, loin d’une réalité dont j’ai bien souvent perdu la conscience durant ces quelques heures qui furent parmi les plus belles de ma vie. Bientôt je vous inviterais à venir découvrir un autre ballet, celui du tout jeune enfant-roi, celui qui un temps osa rêver son règne, avant que de l’anéantir dans un classicisme martial et sans fantaisie.

Alors... parce qu'il ne tient qu'à vous en fermant les yeux, de prononcer ces mots magiques : Il était une fwé (fois)... et d'entendre cette si noble et poétique musique d'Antoine Boësset dont Vincent Dumestre, reste à mes yeux, l'un des des meilleurs interprètes et dont le CD qu'il lui a consacré l'un des plus beaux CD de musique ancienne… baroque... que je connaisse... chut... il était une fois

Par Monique Parmentier

@ BNF Photo M Parmentier

 

CD Outhere/ALPHA : Vincent Dumestre/Le Poème Harmonique - Je meurs sans mourir - Anthoine Boësset

BNF : Ballet des fées des Forests de Saint-Germain

Catalogue de dessins relatifs à l'histoire du théâtre conservés au Département des estampes de la Bibliothèque nationale, avec la description d'estampes rares sur le même sujet, récemment acquises de M. Destailleur / par Henri Bouchot, 1896, p.16-18, n°247-275
Catalogue chronologique de la collection de Fevret de Fontette, 1770 (RESERVE YE-28-PET FOL), fol.103

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article